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«Maintenant, c’est l’heure. L’heure de dire adieu à mon enfance. Car bientôt sera le début des changements de ce jeune bonhomme.»

Ces mots, ce sont ceux d’Andy. Il fait partie des 72 finissants et finissantes du primaire et du secondaire à Valcourt qui ont participé à l’initiative «Autoportraits du Grand Valcourt de demain».

Tout au long de l’année scolaire, ces jeunes ont eu l’opportunité de s’interroger sur trois questions : d’où je viens, où je suis et où je vais. Chacune de ces interrogations était liée à un cheminement artistique : création d’un slam poétique (rétrospection), dessin (introspection) ainsi qu’une séance de photos et des rencontres avec des mentors (projection).

Donner la parole aux jeunes

«Ce sont de grandes questions pour des jeunes de cet âge. Parce qu’ils ne sont pas nécessairement rendus là, pour la plupart. Et en même temps, ça les fait rêver», confie l’initiatrice du projet, Virginie Dubois, agente de rapprochement interculturel à Valcourt 2030.

Elle ajoute :

«C’est rare qu’on donne la parole aux jeunes. On ne les écoute pas souvent. Pour moi, ce projet, c’est ça, la communauté.»

Résultat de ce «voyage intérieur» de plusieurs mois : 72 slams, dessins et portraits. Que les jeunes ont présenté à la communauté lors d’une soirée qui a réuni 175 personnes le mardi 17 juin dernier au Musée de l’ingéniosité à Valcourt.

Lors du lancement, le public pouvait écouter les 72 slams sur leur téléphone par le biais de codes QR.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

«Ces jeunes nous ont fait un beau cadeau»

Virginie Dubois est emballée par ce que ces jeunes ont partagé.

«Ils nous ont fait un des plus beaux cadeaux : celui d’avoir accepté de lever le voile sur leur «moi». De fouiller dans leur enfance, leurs souvenirs et leurs racines. Ils ont sondé leur âme pour saisir l’essence qui les anime. Et ils sont allés à la rencontre de personnes aux profils et parcours inspirants. Tout en acceptant de se projeter dans l’avenir, en offrant à la caméra leur moi idéalisé. Ils et elles l’ont fait avec authenticité et une immense générosité. Ces jeunes, c’est le Grand Valcourt de demain. J’irai même jusqu’à dire qu’ils et elles sont le Québec de demain. »

Virginie Dubois, agente de rapprochement culturel à Valcourt 2030, a initié ce projet «Autoportraits du Grand Valcourt de demain» qui a mobilisé la communauté.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Pourquoi se concentrer particulièrement sur les finissants et finissantes du primaire et du secondaire?

«Nous tenions à faire ce projet avec des élèves de 6e année et de secondaire 5 parce qu’ils vivent une transition, un passage, un tremplin. On change d’école et on perd un peu ses repères. Il y a comme un espèce de grand vertige et de saut dans le vide. Souvent, c’est un moment idéal pour se recentrer, se recueillir et plonger en soi pour s’aligner. Nous leur offrions la possibilité de faire cet exercice-là en-dehors de tout ce qui étourdit : les téléphones, les tablettes, le virtuel, etc. Ça leur demandait un temps de réflexion et de maturation pour plonger en eux.»

Les jeunes ont eu droit à une séance avec la photographe Joanne Comte-Btesh. Lors de laquelle ils pouvaient utiliser des costumes et accessoires.  (photo : Joanne Comte-Btesh / Valcourt 2030)

Projet appuyé par la communauté

Cette initiative a germé il y a 15 ans dans la tête de Virginie Dubois et de son amie et complice, la photographe Joanne Comte-Btesh. À l’époque, les deux femmes l’ont déployée dans des écoles de Montréal. Pour ensuite bifurquer vers d’autres réalisations. «Lorsque je suis arrivée à Valcourt, j’ai compris que ce projet était parfait pour l’écosystème unique qu’on a ici. Nous l’avons donc ressorti de nos tiroirs et lui avons redonné des ailes», expose Virginie Dubois.

Dessins des jeunes présentés lors du lancement.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Le projet a vu le jour grâce à une mobilisation sans précédent de personnes en provenance de divers milieux : scolaire, politique, entrepreneurial, communautaire, artistique, etc. Le tout orchestré par l’organisme Valcourt 2030.

Virginie Dubois n’a que de bons mots sur cet appui important.

«Je me suis promené un peu partout au Québec. Et ici, je sens que tout le monde prend un train qui s’en va dans la même direction. Lorsque je suis arrivée avec l’idée, les partenaires ont embarqué. Partout, on a répondu spontanément de façon positive. C’était un bonheur de pouvoir laisser émerger et déployer à nouveau ce projet dans un terreau aussi accueillant.»

Des photos présentées sur grand écran dans une salle, lors de l’activité de lancement.  (photo : Sébastien Michon (à partir de photos originales de Joanne Comte-Btesh))

Le directeur de l’école secondaire de l’Odyssée, Ludovick St-Laurent, se réjouit lui aussi.

«Ce projet a permis aux jeunes de vivre des situations d’apprentissage concrètes. Et de devenir très conscients d’eux-mêmes et des autres. En voyant et en entendant leurs œuvres, je vois une société qui est en train de s’élever. C’est vraiment fantastique.»

Le directeur de l’école secondaire de l’Odyssée, Ludovick St-Laurent, se réjouit de cette initiative qui a mobilisé les élèves et la communauté.  (photo : archives du Val-Ouest / Sébastien Michon)photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest

L’agente de rapprochement interculturel, appuyée par les directions scolaires, ouvre la porte pour une suite.

«Tout le monde est ravi. On espère donc pouvoir faire le même exercice l’an prochain. Ça pourrait devenir un rendez-vous annuel pour les deux écoles. Un rite de passage à ce moment clé de leur vie.»

Inclusion des nouveaux arrivants

«Autoportraits du Grand Valcourt de demain» a aussi fait une place aux nouveaux arrivants. On a jumelé des jeunes fréquentant la classe de francisation de l’enseignante Anick Larouche à des élèves de cinquième secondaire. «J’ai voulu que les élèves puissent montrer leur parcours et leur culture aux gens de Valcourt», partage-t-elle.

Anick Larouche explique que certains élèves ont même présenté leur poème dans plusieurs langues.

«Il y avait une grande fierté pour eux de présenter leur slam et de montrer la richesse qu’ils ont. C’était très beau et touchant que l’ensemble des élèves de notre école puissent les entendre parler non seulement en français et en anglais, mais aussi en tagalog [parlée des Philippines]. Le fait d’utiliser leur langue amène une sonorité et une texture à leur poésie.»

Anick Larouche, enseignante en francisation à l’école secondaire de l’Odyssée, a permis à ses étudiants, nouveaux arrivants, de participer au projet.  (photo : archives du Val-Ouest / Sébastien Michon)

Rencontre avec des mentors

Tous les jeunes ont eu la possibilité de rencontrer un peu plus d’une douzaine de mentors. Des hommes et des femmes de divers horizons, qui ont partagé leur cheminement de carrière : comédien, réalisateur de film, directrice d’une ville, entrepreneure, médecin, archéologue, architecte, etc.

L’ancien journaliste de La Tribune, Steve Bergeron, aujourd’hui travailleur autonome, a participé à l’exercice.

«Je leur ai partagé l’importance de rester éveillé et de s’ouvrir à la diversité. Pas seulement par rapport aux origines ethniques ou à l’orientation sexuelle. Mais aussi de s’intéresser à comment vivent les gens de leur ville, de leur pays ou d’ailleurs sur la planète. Cette curiosité, c’est l’étincelle et la flamme pour devenir journaliste.»

Rencontre entre des jeunes de l’école primaire de la Chanterelle avec la télévision communautaire TVME et l’ancien journaliste de La Tribune, Steve Bergeron.  (photo : Valcourt 2030)

«Travailler sur une image positive d’eux-mêmes»

Le poète et slameur sherbrookois Francis Poulin, alias Frank Poule, a accompagné les élèves du primaire dans cette aventure.

«La poésie ouvrait le regard des jeunes sur quand ils étaient plus jeunes. C’est vraiment spécial pour un jeune d’environ 11 ans de dire : «quand j’étais jeune»! Certains parlaient de l’année passée ou d’il y a deux ans. Nous sommes allés creuser dans leurs souvenirs.»

Le poète et slameur sherbrookois Francis Poulin, alias Frank Poule, a accompagné les jeunes du primaire dans cette aventure.  (photo : archives du Val-Ouest / Laurent Frey)

Pour les initier à la poésie, Frank Poule a utilisé des «kasàlàs». Un art oratoire d’origine africaine qui célèbre la noblesse d’une personne. Cette forme poétique a été popularisée au Québec par Jean Kabuta, un enseignant à la retraite qui dirige aujourd’hui l’École du kasàlà de Rimouski. «Ça a permis aux jeunes de travailler sur une image positive d’eux-mêmes. Après cet exercice, ils ont repris une forme plus libre de poésie. Mais je voulais leur donner une amorce avec cette énergie d’un hommage à soi», fait-il savoir.

Frank Poule dit avoir apprécié ce travail d’accompagnement avec les jeunes.

«Nous avons tous accès à un regard sur soi, peu importe l’âge qu’on a. Et on peut en retirer des pépites de sagesse. Comme une espèce de respect pour soi, pour le chemin parcouru.»

Virginie Dubois est d’accord avec ce constat. «Dans ces mots, j’ai relevé des perles. Qui m’ont carrément tiré des larmes. Chacune et chacun, à leur façon, sont de futurs poètes.»

Des élèves de l’école primaire de la Chanterelle en processus de création.  (photo : Valcourt 2030)

«Le poids n’étouffera pas nos voix»

Ulysse (alias lil UB), Elliot et Maëlys, qui terminent leur cinquième secondaire, sont venus présenter leurs slams devant l’assemblée. En voici des extraits :

«Je suis arrivé insouciant, avec des idées dans ma tête. (…) Le dur labeur commence pour la nouvelle génération. Nous devons nous préparer et arrêter de regarder nos émissions préférées. Même si j’ai traversé l’âge de l’insouciance, je n’oublie pas ces moments de confiance (…) Je suis les rêves d’un petit enfant qui façonne ses choix et ses actions. (…) Ce n’est que le commencement. (…)»
– Elliot

Elliot.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

«Petit Ulysse, parti pour un long voyage, met son pied dans l’engrenage. Petit Ulysse, ne comprenant rien à la vie, était un nouveau mouton dans la bergerie. (…) L’écologie, la politique, les inégalités sociales. J’entendais ces mots, mais j’avais la tête dans les nuages. Ces mots, je les écoutais et je les répétais comme un con. Sans me rendre compte du poids de leur signification. Des mots trop pesants pour mes toutes petites épaules qui, dans la finalité, écrasés, emportaient avec eux ma naïveté. (…) Aujourd’hui, je me bats pour demain (…)»
– Ulysse (alias lil UB)

Ulysse, alias lil UB.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

«(…) Maintenant qu’on a grandi, que nos paroles se sont justifiées et que nos ailes commencent à pousser, on réalise que l’inconnu est beaucoup plus proche que celui au-dessus de nos têtes. Partir dans un monde étranger, laissant le familier à côté. Partir vers un horizon plus large qu’un petit village, c’est épeurant pour un jeune de 17 ans. Car nous vivons dans une société désabusée où l’argent fait la course aux profits. Entre toi pis moi, on le sait que le futur de notre pays nous décourage. Mais le poids de la neige n’étouffera pas nos voix. Nous resterons solidaires et fiers de notre culture ancrée dans nos veines. Nous sommes des Québécois!»
– Maëlys

Maëlys.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

 

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