Le Val-Ouest

Environnement : Racine écope d’une sanction de 10 000 $

La municipalité de Racine écope d’une sanction de 10 000 $ du ministère de l’Environnement. Pour ne pas avoir respecté, au cours de l’année 2023, une norme concernant le rejet de ses eaux usées dans le ruisseau Benda.

Racine a reçu cette sanction administrative pécuniaire le 27 novembre dernier. Le Ministère stipule que la municipalité n’a pas respecté l’article 6.1 du Règlement sur les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées. Qui indique que la concentration moyenne annuelle de matières en suspension (MES) doit être inférieure ou égale à 25 mg/l.

Dépassements pendant plusieurs mois

Lors d’une première entrevue avec Le Val-Ouest, Andréanne Leduc, inspectrice en environnement à Racine, prétendait que la municipalité aurait dépassé ce 25 mg/l seulement au mois de juin 2023. Ce qui fait en sorte que Racine n’aurait pas été mesure de respecter la moyenne annuelle.

Même son de cloche du côté du maire de Racine, Mario Côté, qui affirmait que la municipalité «l’a échappé un mois», mais qu’elle s’est «reprise» ensuite.

À la suite de ces premières entrevues, Le Val-Ouest a consulté les analyses et les mesures remises au ministère de l’Environnement. Ces résultats indiquent un tout autre son de cloche que celui présenté. En fait, la municipalité de Racine aurait dépassé la norme de 25 mg/l dès le mois de décembre 2022 (31,0). Le dépassement s’est ensuite poursuivi pendant plusieurs mois : janvier (31,8), février (40,0), mars (26,0), avril (27,0), mai (38,0), juin (aucun chiffre disponible) et juillet (30,0).

Contrairement à ce que pensait la municipalité, sa station d’épuration a dépassé la norme de 25 mg/l pendant plusieurs mois à la fin 2022 et dans les premiers mois de 2023 (voir la colonne “MES” du tableau).  (source : ministère de l’Environnement)

«Nous ne sommes pas supposés surveiller ça»

Informée par Le Val-Ouest de cette situation, Andréanne Leduc répond ne pas être au courant de tous ces détails. Cela s’explique par le fait que Racine ne gère pas elle-même ses eaux usées. Elle sous-contracte ce travail à la firme Aquatech de Longueuil. Une entreprise qui existe depuis plus de 40 ans et qui dessert environ 350 clients (industries, villes et municipalités) un peu partout au Québec.

Aquatech offre un service d’assistance technique à l’exploitation de la station d’épuration. Une fois par mois, Aquatech recueille des échantillons en amont et en aval des installations municipales. Un laboratoire analyse ces échantillons et la firme fait parvenir son rapport au ministère de l’Environnement. La municipalité reçoit aussi, sur une base mensuelle, les résultats.

«Nous ne sommes pas supposés surveiller ça. Lorsqu’il y a des dépassements, ce sont eux qui sont en charge d’ajuster l’oxygénation ou la concentration d’alun des bassins», fait savoir l’inspectrice municipale en environnement.

La municipalité de Racine dit ne pas être au courant de tous les détails en ce qui concerne la gestion de sa station des eaux usées. Parce qu’elle sous-contracte cette gestion à une firme externe.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Marilou Robert, directrice des communications, du marketing et des stratégies d’affaires pour le Groupe Helios (Aquatech), confirme que lorsque des problèmes surviennent, «Aquatech conseille techniquement la Municipalité sur les causes et les actions à mettre en place.» De même, en cas de dépassement, un avis doit être envoyé au ministre de l’Environnement. «Ce qui a été fait par la Municipalité», informe-t-elle.

Vidange de deux cellules en juillet 2023

Même si Aquatech remet chaque mois un rapport à la municipalité de Racine, cette dernière affirme n’avoir été au courant de la situation qu’au début de l’été 2023. Elle avait alors embauché un entrepreneur pour faire une vidange partielle, en urgence, de deux des quatre cellules de traitement des eaux usées. Parce qu’elles étaient trop pleines.

Ce n’est donc qu’en août 2023, après que la municipalité ait fait effectuer ces travaux correctifs, que les chiffres ont baissé à 14,0 mg/l de MES. On remarque toutefois dans le rapport qu’en décembre 2023, la concentration augmente à nouveau à 30,0 mg/l.

À l’été 2023, la municipalité de Racine avait embauché d’urgence un entrepreneur pour vider une partie des boues accumulées dans ses bassins d’eaux usées. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Conséquences pour l’environnement

Quelles sont les conséquences de ces dépassements pour l’environnement?

«Ces matières en suspension vont nuire à l’aspect esthétique du cours d’eau. Elles peuvent aussi contenir des contaminants. On peut tomber malade lorsqu’on est exposé à des eaux qui contiennent de ces matières. Ça peut aussi nuire à la reproduction des poissons, s’il y a des frayères qui se trouvent dans le cours d’eau récepteur», pointe Gabriel Cliche, conseiller en valorisation de données et qualité de l’eau à la Fondation Rivières.

De fait, lors de la séance du conseil municipal du 4 juillet 2023, une citoyenne avait soulevé le fait qu’elle avait constaté le rejet d’eaux usées dans le ruisseau Benda. De mauvaises odeurs émanaient aussi de l’eau.

Lors de la séance du conseil municipal du 4 juillet 2023, une citoyenne de Racine avait soulevé le fait qu’elle avait constaté que des eaux usées étaient rejetées dans le ruisseau Benda.  (image : TVME)

Demande de révision du dossier

Même si la municipalité confie la gestion de ses eaux usées à l’externe, Le maire de Racine, Mario Côté, reconnait qu’ «en bout de piste, c’est la municipalité qui est responsable». «Ce qui est important de retenir, c’est qu’à partir du moment où on a été avisé, la municipalité a pris tous les moyens pour que ça s’arrête», tient-il à préciser.

Pour Mario Côté, cela justifie que la municipalité ait fait parvenir au ministère de l’Environnement, le 10 décembre dernier, une demande de réexamen du dossier.

«Le ministère nous blâme parce que nous avons eu un dépassement. Sauf qu’à partir du moment où nous l’avons su, nous avons réagi promptement. Les incidents, ça arrive. Et je ne pense pas qu’on devrait avoir une pénalité lorsqu’on agit en «bon père de famille» et qu’on fait ce qu’il faut faire.»

Le maire révèle que la municipalité continue d’ailleurs d’améliorer ses installations. Elle a ajouté, en 2024, de nouveaux aérateurs dans les bassins pour améliorer l’oxygénation.

La municipalité a déjà payé la sanction, malgré sa demande de réexamen administratif. Et ce, pour ne pas avoir à payer des frais d’intérêts. Le maire se dit confiant que le ministère réévaluera le dossier à la faveur de la municipalité.

Mario Côté, maire de Racine, se dit confiant que le ministère réévaluera le dossier à la faveur de la municipalité.  (crédit photo : municipalité de Racine)

Difficile d’obtenir gain de cause

Gabriel Cliche croit de son côté que la municipalité pourra difficilement obtenir gain de cause auprès du ministère. «Clairement, les chiffres indiquent qu’il y a eu dépassements pendant toute la période hivernale et printanière 2023. Lorsqu’on regarde le Règlement, c’est écrit noir sur blanc [article 23] qu’une sanction de 10 000 $ peut être imposée à l’exploitant d’un ouvrage municipal d’assainissement des eaux usées qui ne respecte pas la norme de rejet prévue à l’article 6.»

Il est à noter que le Règlement ne module pas le montant de la sanction en fonction de la grosseur de la municipalité en faute. Le montant reste le même dans tous les cas.

La porte-parole du ministère de l’Environnement, Ghizlane Behdaoui, précise que le délai moyen de réexamen d’une sanction administrative pécuniaire est d’environ 12 mois.

La cause probable : des bassins trop plein

Ces dépassements de matières en suspension (MES) s’expliqueraient par le fait que les deux bassins (divisés en quatre cellules) étaient trop plein. La municipalité avait d’ailleurs confirmé en entrevue au Val-Ouest, en 2023, que les bassins n’avaient été vidés qu’une seule fois (2017), depuis leur construction en 2000. «Ça avait pris plusieurs années avant qu’on ait besoin d’une première vidange. Depuis, il y a une croissance de la population. C’est normal qu’on ait à nouveau à les vider», avait alors mentionné Andréanne Leduc.

Gabriel Cliche rappelle que pour la majorité des ouvrages en opération au Québec, des vidanges devraient généralement être envisagées aux trois à cinq ans.

«C’est une bonne pratique de mesurer annuellement le niveau des boues à partir du moment où plus de 15 % du volume des étangs est occupé par des boues. À partir de 30 % de volume occupé, il devient important de prévoir une vidange. Si on ne le fait pas, le courant peut alors remettre en suspension une partie des matières qui s’étaient déposées au fond.»

Plusieurs municipalités recourent à des firmes spécialisées

Le conseiller de la Fondation Rivières déplore que le suivi du niveau des boues dans les étangs ne soit pas encadré par le ministère de l’Environnement. Comme c’était le cas lorsque le suivi des ouvrages était assuré par le ministère des Affaires municipales, avant 2017.

«Avant, il y avait des protocoles en place pour faire le suivi des niveaux de boues. Mais ça a été abandonné. Les municipalités sont censées savoir qu’ils doivent faire la vidange périodique de leurs boues. Mais ça peut échapper aux petites municipalités.»

Gabriel Cliche croit que plusieurs élus et employés municipaux, un peu partout au Québec, «ont des connaissances assez limitées de ce qui se passe réellement à la station d’épuration.» C’est d’ailleurs pourquoi plusieurs municipalités, comme Racine, décident de recourir à des firmes spécialisées pour sous-traiter la gestion de leurs ouvrages d’eaux usées.

Gabriel Cliche, conseiller en valorisation de données et qualité de l’eau à la Fondation Rivières, souligne le fait que la plupart des municipalités ont des connaissances limitées en ce qui concerne la gestion des stations d’épuration.  Ce qui fait en sorte qu’elles doivent recourir à des firmes spécialisées.  (crédit photo : Eau secours)

Agir différemment dans le futur?

Quelle leçon la municipalité tire-t-elle de cette situation? Le maire de Racine confirme que des réflexions sont en cours pour la suite. «Nous sommes actuellement liés par contrat [avec la firme]. Après, on verra si on fait autre chose», répond-il.

Racine, seule municipalité à recevoir une sanction

D’après les chiffres obtenus par Le Val-Ouest, sur les 78 stations d’épuration que compte l’Estrie, 7 ont dépassé la norme de 25 mg/l au cours de l’année 2023. Soit : East Angus (130 mg/l), Cookshire-Eaton (49,4 mg/l), Ascot Corner (46,5 mg/l), Saint-Herménégilde (28,2 mg/l), Racine (26,5 mg/l), Saint-Denis-de-Brompton (26,3 mg/l) et Saint-Isidore-de-Clifton (25,8 mg/l). Toutefois, seule Racine a reçu une sanction.

Pourquoi?

«Le Contrôle environnemental met en œuvre un programme de contrôle qui a comme objectif, entre autres, de s’assurer que les exploitants mettent en place les mesures de mitigation requises et de faire cesser les débordements ou dérivations dans les plus brefs délais. Le Ministère réalise un exercice de planification annuel, qui lui permet de s’assurer que ses activités de contrôle couvrent les différents secteurs pouvant comporter des risques pour l’être humain et l’environnement. (…) Puisqu’une priorisation doit être établie pour les vérifications des rapports annuels des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées (OMAEU), il n’est pas possible pour le contrôle environnemental de faire la vérification de l’ensemble des rapports durant une période annuelle», rapporte Ghizlane Behdaoui, porte-parole au ministère de l’Environnement.

Cependant, des municipalités estriennes ont reçu en 2024 des sanctions concernant d’autres manquements. C’est le cas de la Ville de Bromont (10 000 $) qui n’a pas installé de génératrice pour atténuer ou éliminer les effets d’un débordement. Ou encore de North Hatley (2500 $) qui n’a pas répertorié un débordement d’eaux.

D’après les chiffres obtenus par Le Val-Ouest, sur les 78 stations d’épuration que compte l’Estrie, 7 ont dépassé la norme au cours de l’année 2023. Toutefois, seule Racine a reçu une sanction.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

L’eau rejetée dans l’environnement n’est jamais «pure»

Fait peu connu du grand public, tous les systèmes de traitement des eaux usées municipales émettent, en continu, un rejet dans un cours d’eau. L’eau n’est donc pas «pure» lorsqu’elle s’écoule dans l’environnement.

Ce rejet doit toutefois répondre à certaines normes minimales du ministère de l’Environnement. C’est pourquoi le ministère exige des analyses mensuelles des rejets. Si l’échantillon ne répond pas aux normes, les gestionnaires d’ouvrages doivent ajuster leurs opérations. Pour revenir au niveau de traitement attendu de leurs bassins.

Il serait possible de mettre en place des systèmes plus performants. Le Québec n’a pas fait ce choix.

«Construire des stations d’épuration pouvant retirer complètement les contaminants des eaux usées serait prohibitif en termes de coûts. Dans les années 1970, le ministère de l’Environnement avait fait des analyses technico-économiques. Il a alors jugé qu’une concentration de 25 milligrammes par litre, pour les matières en suspension (MES) et la demande biologique en oxygène (DBO5), c’était correct au niveau de l’assimilation des contaminants par les milieux récepteurs», signale Gabriel Cliche.

 

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Un avis au sujet de « Environnement : Racine écope d’une sanction de 10 000 $ »

  1. L’inspectrice en environnement aurait du savoir qu’il est obligatoire de procéder à une mesure des boues annuellement dans ce genre d’installation. L’entreprise sous traitante aurait dû le savoir aussi et recommander l’exercice. Dépendamment des volumes traités dans les bassins, une vidange de boues est nécessaire à tous les 5 ans.

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