Le Val-Ouest

« Les espèces envahissantes aiment beaucoup voyager en bateau »

Une soixantaine de cours d’eau en Estrie sont considérés contaminés par des espèces exotiques envahissantes. C’est ce qui ressort de l’étude « Les plans d’eau contaminés en Estrie ». Un document présenté par le Conseil régional de l’environnement de l’Estrie (CREE) avec la collaboration de l’Association pour la protection du Lac Brompton.

La publication de ce document serait une première au Québec, selon le CREE. « Notre objectif était de regrouper toutes les occurrences connues d’espèces aquatiques envahissantes dans un document simple, accessible et facile à comprendre », explique David O’Connor, biologiste au CREE.

Alice Berthe, codirectrice générale du CREE, David O’Connor, biologiste du CREE et Jean Nadeau, président de l’Association pour la protection du lac Brompton.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Plans d’eau classés rouge ou jaune

Les plans d’eau y sont séparés selon deux niveaux de contamination : rouge et jaune.

Le niveau rouge indique la présence d’une espèce invisible à l’œil nu et implique la nécessité absolue de décontaminer les embarcations.

Le niveau jaune indique aussi un envahissement, mais avec des espèces plus faciles à retirer manuellement des embarcations.

Dans le Val-Saint-François, l’étang de Kingsbury, le lac Brompton, le lac Stukely, la rivière au Saumon, la rivière Saint-François sont classés comme «rouge». Ces cours d’eau sont envahis, entre autres, par la vivipare georgienne, la myriophylle à épis et le potamot crépu.

D’autres cours d’eau du Val, comme l’étang sur le chemin Lay (Melbourne), le lac Desmarais, le lac Montjoie, le lac Stoke, le Petit lac Brompton et le Petit lac Saint-François sont classés dans la catégorie «jaune».

Le marais de Kingsbury. Catégorisé comme «rouge», compte tenu des espèces qui ont envahi ce plan d’eau de la région.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

« C’est le moment d’agir »

« Mais pas de panique », tient à préciser David O’Connor. « Lorsqu’un lac est classifié contaminé que ce soit au niveau rouge ou jaune, ça ne veut pas dire que tout est fini pour le lac. Au contraire, c’est le moment d’agir. La présence d’une espèce exotique envahissante nous indique qu’il y a eu une ou plusieurs introductions de cette espèce dans le plan d’eau par le passé. Et que nous devons mettre en place des mesures. »

Voyager d’un cours d’eau à l’autre

« Les espèces envahissantes aiment beaucoup voyager en bateau », illustre David O’Connor. Aux embarcations s’ajoute tout le matériel baignant dans l’eau. « Quelques gouttes d’eau dans un gilet de sauvetage ou un peu de terre dans les souliers d’eau peut être suffisant pour transporter ces espèces », ajoute-t-il. D’où l’importance, pour les plaisanciers, de bien nettoyer leurs embarcations et leur matériel avant l’arrivée dans un nouveau plan d’eau.

Les espèces exotiques envahissantes sont parfois minuscules, rappelle le biologiste David O’Connor. De là l’importance de bien nettoyer non seulement les embarcations, mais tout le matériel ayant été en contact avec l’eau.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Quatre étapes pour bien nettoyer

Pour soutenir ces actions de prévention, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs a publié un «Guide des bonnes pratiques» ainsi que le dépliant «Nettoyer pour ne pas propager».

En résumé, il faut suivre quatre étapes : inspecter le matériel, vider l’eau, nettoyer et sécher. Puis répéter toutes les étapes lorsqu’on visite un nouveau plan d’eau. « Nous devons tous nous assurer que nous faisons le maximum pour éviter d’introduire plus d’espèces exotiques envahissantes lors de nos déplacements entre les plans d’eau », rappelle-t-il.

Pour soutenir ces actions de prévention, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs a publié un «Guide des bonnes pratiques» ainsi que le dépliant résumé «Nettoyer pour ne pas propager».

Méthodes de décontamination

Pour décontaminer convenablement les embarcations, il existe différentes méthodes. La plus efficace étant le nettoyage à la vapeur d’eau chaude à haute pression (extérieur de l’embarcation) et à basse pression (intérieur de l’embarcation). C’est pourquoi il existe, un peu partout dans la province, un réseau de stations de lavage permettant de nettoyer efficacement les embarcations et le matériel. Une carte interactive permet de repérer la station la plus près.

Les méthodes de décontamination préconisées par le gouvernement du Québec.

Dans la région, il existe entre autres une station sur le chemin Côte de l’Artiste à Saint-Denis-de-Brompton. Financée conjointement par les municipalités de Racine et de Saint-Denis-de-Brompton. Ainsi qu’une seconde station, située au parc de l’Érablière, sur le chemin de la Sucrerie, à Orford.

Une station de lavage, sur le chemin Côte de l’Artiste à Saint-Denis-de-Brompton, permet le lavage gratuit des embarcations. Une seconde station est située à Orford.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Vigilance des citoyens

La liste des plans d’eau contaminés sera constamment mise à jour en fonction des nouvelles observations faites sur les différents plans d’eau. Le CREE compte d’ailleurs sur les Estriens pour rester vigilants et être les yeux des spécialistes sur le terrain. « J’invite tout le monde à télécharger l’application mobile Sentinelle du ministère de l’Environnement. Et à signaler lorsque quelque chose vous semble suspect sur votre lac », exhorte David O’Connor.

C’est cette vigilance qui a d’ailleurs permis la découverte récente, par une employée de l’Association pour la protection du lac Brompton, de la présence d’une nouvelle espèce envahissante dans le lac : la vivipare georgienne. Ce qui permettra d’agir plus rapidement.

Grâce à la vigilance d’une employée de l’Association pour la protection du lac Brompton, on a pu identifier une nouvelle espèce envahissante dans le lac : la vivipare georgienne.  (crédit : Pêches et Océans Canada)

Pour bien identifier les plantes et les animaux, la CREEE suggère d’utiliser iNaturalist. Une application développée par l’Académie des sciences de Californie et la National Geographic Society. Elle est entre autres disponible sur Google Play et App Store.

La pointe de l’iceberg

Les plans d’eau ne sont pas tous recensés et les résultats présentés ne seraient que la pointe de l’iceberg. « Plus de 3000 plans d’eau de plus d’un hectare sont présents en Estrie. Malheureusement, leur vaste majorité n’a jamais été échantillonnée pour repérer et identifier les possibles EAE présentes. Dans ce contexte, les plans d’eau non échantillonnés ou qui ne figurent pas dans la liste doivent être considérés comme contaminés », peut-on apprendre dans le document.

Des conséquences sur les écosystèmes

« La présence d’espèces aquatiques envahissantes peut avoir des conséquences graves sur nos écosystèmes locaux. Mais aussi nos activités de loisirs et la qualité de nos infrastructures d’eau potable. », souligne David O’Connor.

À cet égard, il rappelle l’importance, pour les municipalités, de travailler en concertation.

« Le lac Brompton touche les municipalités de Racine, de Saint-Denis-de-Brompton et d’Orford. Les espèces exotiques envahissantes ne respectent pas ces frontières fictives. Nous ne traitons pas les plans d’eau comme des lieux séparés et isolés. Au contraire, nous mettons l’emphase sur leur connexion. La meilleure façon de prévenir de nouvelles introductions est de travailler ensemble. Peu importe les territoires sur lesquels nous travaillons.»

 

À LIRE AUSSI dans Le Val-Ouest :

Une équipe verte navigue sur le lac Brompton tout l’été (juillet 2024)

Les plaisanciers du lac Brompton éventuellement obligés de laver leurs embarcations (juillet 2024)

Nouvelle station de lavage pour les embarcations nautiques (juillet 2023)

Déversement d’eaux usées municipales dans un ruisseau à Racine (juillet 2023)

Un plan pour protéger l’eau potable de quatre municipalités de la région (juin 2023)

Des élèves de l’Odyssée surveillent de près la qualité de l’eau (mai 2023)

Une nouvelle, un événement à faire paraître?

Ayez le réflexe VAL-OUEST

Lire aussi...