En toute discrétion, une équipe s’anime depuis quelques mois sur une vaste propriété à Racine, en Estrie. Les coups de pelles et de marteaux qu’on entend présentement se transformeront bientôt en coups de pinceaux, de ciseaux à bois, de pas de danse et de rythme musical. Parce qu’on y ouvrira officiellement, le 5 octobre prochain, les Jardins Racine. Un espace qui servira de résidence pour accueillir des artistes d’ici et d’ailleurs.
«C’est idyllique»
Le lieu, situé sur un tranquille chemin de campagne, offre un cadre enchanteur qui devrait inspirer la créativité des artistes qui y résideront. « C’est idyllique. Avec deux petits lacs et un versant de montagne. C’est aussi très convivial et chaleureux comme ambiance. Les artistes pourront déconnecter de leur réalité et se concentrer sur leur projet », commente l’artiste racinois Philippe Descôteaux Barrette, instigateur de cet ambitieux projet et directeur des Jardins.
Domaine de la famille Valcour
L’immense domaine qui accueille les Jardins Racine appartient à la famille de feu Norbert Morin. Mieux connu sous son nom d’artiste de Pierre Valcour. Cet acteur, réalisateur et producteur est entre autre connu du grand public pour son rôle de Guillaume Plouffe, dans la série La famille Plouffe, diffusée à la télévision de Radio-Canada dans les années 1950.
Pénélope Valcour, petite-fille de Pierre Valcour, appuie avec grande générosité ce projet. Dont la vision est portée depuis longtemps par Philippe Descôteaux Barrette. « Je mijote cette idée-là depuis que j’ai 16 ans. Je suis dans la trentaine et je pensais la réaliser plus tard, lorsque je serais dans la quarantaine. Mais cette magnifique opportunité a devancé mes projets. »
Lieux aménagés pour la création artistique
L’équipe aménage présentement les bâtiments existants pour qu’ils soient adaptés aux besoins de création des artistes, peu importe leur discipline. Par exemple, un hangar transformé en atelier d’ébénisterie. Un autre pour la sonorisation et les artistes visuels. Ou encore une petite grange qui accueillera des spectacles intimes pour une vingtaine de personnes.
Des visées écologiques
Le respect de l’environnement est l’une des règles que les résidentes et résidents devront respecter lors de leur séjour. Par exemple, la contrainte d’utiliser exclusivement, pour les œuvres extérieures, des matériaux récupérés ou recyclés.
« Nous voulons qu’ils amènent leur projet artistique dans une lignée écologique. Ce sera un bon défi pour certains. Mais ils seront contents d’aller explorer ça », croit Philippe Descôteaux Barrette.
Artiste dès l’âge de 13 ans
L’initiateur des Jardins Racine a quelques cordes à son arc. Ce trentenaire a commencé à exposer en galerie à l’âge de 13 ans. Philippe Descôteaux Barrette a enseigné l’art au secondaire. De même, il a participé à divers projets un peu partout au Québec. Il a aussi aidé au démarrage du centre de diffusion artistique Wip à Montréal, fondé par Olivier Bonnard. Sa vaste expérience fait en sorte qu’il a développé plusieurs contacts au Québec et à l’étranger.
S’adapter aux besoins des artistes
Bien qu’il soit lui-même artiste, Philippe Descôteaux Barrette tient à mentionner que le lieu servira d’abord et avant tout à d’autres que lui. « Oui, je pourrais utiliser les lieux. Mais ce n’est pas ma place. Je veux prioriser les autres artistes », précise-t-il.
Il ajoute que son bagage artistique lui permet de comprendre plus facilement les besoins de celles et ceux qui résident aux Jardins Racine.
« Nous avons beaucoup de respect pour la création et ils auront de la liberté pour leur production. Ils pourront moduler les espaces selon leurs besoins », expose-t-il.
Ouverture ponctuelle au public
Le lieu sera ouvert au public pour des événements ponctuels tout au long de l’année. Par exemple pour des vernissages ou des spectacles intimes. De même, Philippe Descôteaux Barrette souhaite éventuellement créer des liens avec des écoles et des résidences pour personnes âgées de la région.
En-dehors de ces activités, le lieu ne sera pas accessible aux résidents ou aux touristes. Les Jardins Racine ont décidé de prioriser la présence des artistes, qui logeront dans la grande maison au maximum huit personnes à la fois. «Ça pourra faire en sorte que des artistes très connus ou moins connus pourront venir ici sans se sentir épiés.»
Rencontres interdisciplinaires
La philosophie des Jardins Racine privilégie les rencontres interdisciplinaires. Non seulement entre des artistes, mais aussi avec des professionnels d’autres domaines : architectes, ingénieurs, scientifiques, etc.
« Le but, c’est de leur permettre d’interagir ensemble. Pour expérimenter et explorer de nouveaux horizons. »
Le directeur souhaite aussi que les jardins puissent servir, à certains moments, pour de la recherche scientifique universitaire.
Déjà ouvert depuis quelques mois
Même si le lieu n’a pas encore officiellement été présenté à la communauté, deux résidences d’artistes se sont tenues ces derniers mois. Des séjours qui ont permis d’«habiller» les lieux. Tout en permettant à l’équipe des Jardins de peaufiner sa vision et d’ajuster son offre de service.
Une première résidence a eu lieu en mai avec des artistes en arts visuels, des designers et une joaillière. Qui ont tous et toutes laissés des œuvres sur les lieux.
Un autre séjour, pendant l’été, a réuni des architectes de la firme Appareil Architecture. Qui ont été jumelés à des artistes des arts de la scène et des musiciens. Pour concevoir des scènes extérieures originales, qui respectent l’environnement. Cette firme, qui collabore déjà avec les Jardins de Métis, dans le Bas-Saint-Laurent, souhaite participer au développement des Jardins Racine.
Collaboration avec la Maison de la culture
Les Jardins Racine visent aussi à établir des partenariats avec des institutions d’ici et d’ailleurs. C’est le cas avec la Maison de la culture de Racine.
L’hiver prochain, six jeunes artistes seront en résidence aux Jardins. Pour ensuite exposer leurs œuvres à la Maison de la culture pendant l’été 2025.
« Il s’agit d’un gros projet. Dans lequel Philippe met énormément d’énergie, en s’appuyant sur son grand réseau. À la Maison de la culture, nous l’appuyons à 100 %. »
Fait savoir Marc-André Paré, directeur de la Maison de culture et président de la Société du patrimoine de Racine-Brompton-Gore.
Depuis juin, Philippe Descôteaux Barrette fait d’ailleurs partie du conseil d’administration de la Maison. « Malgré son jeune âge, il a beaucoup d’expérience », souligne Marc-André Paré.
Soutiens en argent, en biens et en troc
Pour établir les jardins ornementaux, l’organisation a reçu le soutien des Serres St-Élie de Sherbrooke et des Entreprises Daniel Fontaine à Racine. « Ils nous fournissent des plantes, des vivaces et de la matière première. Nous sommes très choyés de recevoir ce support et ça nous aide beaucoup. Parce qu’il y a beaucoup de dépenses! », lance Philippe Descôteaux Barrette en riant.
Le projet est aussi appuyé par la députée fédérale de Shefford, Andréanne Larouche.
Philippe Descôteaux Barrette ajoute qu’il apprécie ces dons de biens ainsi que les échanges de services, qui s’ajoutent aux soutiens financiers.
« Bien que l’argent soit importante pour faire rouler le projet, j’apprécie le système de troc qui est en train de se mettre en place entre certains organismes et nous. Tous ces supports permettent au projet de fleurir beaucoup plus rapidement. »
Collaborations avec des universités et institutions
Le directeur a aussi entamé de premières démarches pour collaborer avec l’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il a aussi en vue l’École d’architecture de l’Université McGill. Et éventuellement les universités de Sherbrooke et Bishop’s.
On devrait aussi annoncer bientôt une collaboration avec une importante institution muséale de l’Estrie.
Dans la mouvance artistique du Val-Saint-François
Sans en avoir l’intention, les Jardins Racine s’inscrivent dans une mouvance qu’on observe dans la région du Val-Saint-François depuis quelques mois. Avec l’ouverture, en mai dernier, de la galerie d’art Perkins dans le Canton de Melbourne. Ainsi que les travaux entourant la mise en place d’une « route des arts » dans le Val.
Portes ouvertes le 5 octobre
Le public de la région est invité à venir découvrir les lieux le 5 octobre prochain lors d’une activité portes ouvertes. D’ici là, sept artistes séjournent sur place pour ajouter leurs oeuvres sur la propriété. Au total, ce sont 32 artistes et artisans qui y feront connaître leur travail.
Film d’animation, cabines sonores, scène flottante…
En plus des œuvres, les Jardins compteront différentes installations éphémères et d’autres permanentes. Dont certaines devraient être prêtes à temps pour l’ouverture officielle.
Par exemple, un film d’animation, réalisé par un dessinateur qui travaille pour l’ONF, devrait être projeté dans la forêt.
On prévoit aussi l’installation d’une « cabine sonore ». « Elle est constituée de vibreurs logés entre des plaques de bois et d’acier. Ce qui fait que ça devient carrément une caisse de son géante. Dans laquelle une personne peut s’assoir et ressentir les vibrations sonores. Il y a eu des tests et ça fonctionne. Il nous reste toutefois à trouver des commanditaires pour obtenir de l’aluminium et de l’acier brossé. Ça réduira les coûts. J’ai hâte de voir le résultat », confie Philippe Descôteaux Barrette.
Une scène borde désormais l’un des étangs. Avec une plateforme flottant sur l’eau. Des installations qui serviront à d’éventuels spectacles. Cette scène sera décorée par des monolithes en miroir. Et de discrets haut-parleurs rapatrieront des sons de la nature. À partir de micros installés à des endroits stratégiques dans les jardins.
«Quand les gens arriveront près de la scène, ça déclenchera des sons de la nature. Par exemple d’amplifier le son d’un colibri en train de récolter du nectar dans une fleur.»
Toujours de nouveaux éléments
Philippe Descôteaux Barrette veut constamment faire évoluer les lieux.
«Ici, ça ne sera jamais fini. Il y aura toujours de nouveaux éléments qui s’ajouteront. Ce qui fait que les gens qui reviendront verront constamment de nouvelles affaires.»
Résidence d’artistes sur la chasse
L’agenda des Jardins commence déjà à se remplir. En novembre, ils accueilleront en résidence des artistes de différentes disciplines qui pratiquent la chasse. Pour qu’ils et elles explorent ensemble cette thématique. Et voir de quelle façon la chasse influence peut-être leur art. On devrait y trouver, entre autres, un réalisateur, un artiste visuel et un acteur.
« Un projet rassembleur »
Bien que la création des Jardins Racine exige énormément de temps et de ressources, Philippe Descôteaux Barrette croit fermement à ses impacts positifs.
« C’est un projet rassembleur. Qui amènera à Racine des gens de partout. Non seulement du Québec, mais aussi de l’international. Et ce, pendant toute l’année. »
À LIRE AUSSI dans Le Val-Ouest :
Atelier de gravure offert aux femmes de la région (septembre 2024)
Des artistes souhaitent un circuit des arts dans le Val (août 2024)
La plus grande galerie d’art au Québec ouvrira ses portes à Melbourne (mai 2024)
Fusionner le corps et la nature dans des performances d’art à Melbourne (mai 2024)
Une artiste de Saint-Denis-de-Brompton illustre un roman avec des dessins d’enfants (mai 2024)
Empreintes, de l’art performatif dans la forêt à Racine (mai 2024)
« Quand les mains travaillent, c’est l’âme qui danse » (septembre 2023)