Le retour en classe entre quatre murs? Pas pour tout le monde. Pour quelques familles de la région qui ont choisi de faire l’enseignement à la maison, septembre est synonyme de contact rapproché avec la nature. Chaque semaine, des enfants passent une journée entière d’immersion en forêt. Et ce, pendant l’automne et une partie de l’hiver. En effet, l’entreprise Sous l’écorce, établie à Racine, permet à un groupe d’une vingtaine de jeunes de 8 à 13 ans de vivre des activités d’épanouissement en nature.
« Nous sommes des passionnées de nature qui voulons transmettre cette passion aux enfants. Leur offrir la possibilité d’être dans la nature et d’en prendre soin », expliquent d’emblée les deux instigatrices du projet, Geneviève Marcel et Kathleen Wilson.
Un rêve devenu réalité à Racine
Pendant la pandémie, les deux Montréalaises ont choisi de déménager en Estrie avec leurs familles respectives. « Avant même d’habiter à la campagne, nous avions déjà en tête de démarrer un projet ensemble en nature. » Un rêve qui est devenu réalité pour Kathleen Wilson, qui a aménagé avec son conjoint et ses enfants au sein d’une communauté de quelques familles qui partagent une immense propriété à Racine. Les deux amies saisissent alors l’opportunité de démarrer une entreprise, tout en s’inscrivant au programme d’écoéducation par la nature offert par le Cégep de Rivière-du-Loup.
Une activité régulière pour les enfants de l’enseignement à la maison
Rapidement, le bouche à oreille fait son œuvre. Des familles non seulement de la région immédiate de Racine, mais aussi de Sherbrooke, Waterloo, Magog et Granby choisissent d’inscrire leurs enfants à ces activités en forêt. «Sous l’écorce venait répondre à un besoin des familles qui font l’école à la maison d’avoir une activité régulière, à chaque semaine, pour leurs enfants », soutient Kathleen Wilson.
Un projet démarré en toute simplicité
Le projet a démarré il y a trois ans en toute simplicité : deux bâches pour s’abriter des intempéries et un espace pour faire un feu. Bien que les installations aient évolué depuis, les activités restent grandement influencées par la météo. « S’il fait froid, nous allons par exemple mettre l’emphase sur des propositions qui exigent de bouger et d’être en mouvement. C’est impressionnant de voir comment les enfants sont capables de tolérer un certain inconfort parce qu’ils ont du plaisir », relate Geneviève Marcel.
Randonnée pédestre et BD
En plus de proposer leurs propres activités, les responsables de Sous l’écorce fait appel de temps à autre à des animatrices et animateurs de l’extérieur. Comme par exemple un atelier sur la préparation d’une randonnée pédestre avec Grégory Flayol, directeur général adjoint chez Rando Québec. Ou encore une rencontre avec le bédéiste racinois Serge Ferrand dans le cadre de son projet « Je dessine mes rêves ».
Pièce de théâtre inspirée d’un livre de Serge Bouchard
L’une des activités marquantes de la dernière année a été la création d’une pièce de théâtre à partir de textes tirés du livre « Confessions animales – bestiaire » de l’anthropologue Serge Bouchard. « J’ai été surprise de voir à quel point les enfants ont embarqué là-dedans. Ils ont chacun choisi un animal du Bestiaire et ont appris des textes assez complexes. Les enfants nous ont dit qu’ils trouvaient ces textes beaux. Ils nous ont partagé ce qu’ils comprenaient et certains étaient même émus. De les voir réciter, c’était vraiment puissant. Nous en avions des frissons et quasiment les larmes aux yeux durant les pratiques », raconte avec émotion Kathleen Wilson.
Importance du jeu libre
En plus des activités structurées, les deux animatrices offrent beaucoup d’espace pour le jeu libre en forêt. « C’est une des clés de notre philosophie. Nous rendons du matériel disponible aux enfants pour qu’ils réalisent leurs propres projets ou qu’ils créent des jeux imaginaires », précise Geneviève Marcel.
Des initiatives semblables ailleurs en Estrie et au Québec
Ce que ces enfants vivent à Racine n’est pas unique. En Estrie, d’autres initiatives semblables existent telles que La Buissonnière à Stoke, La tribu des bois à Hatley, ConnexioNature à St-Élie-d’Orford, l’École de la forêt du Bois Beckett à Sherbrooke et le CPE Les petits Hêtres à North Hatley, pour ne nommer que ceux-là.
De même d’autres CPE et établissements du réseau scolaire, un peu partout dans la province, emboitent aussi le pas. On n’a qu’à penser à l’école secondaire L’Odyssée, à Valcourt, avec son programme Écopleinair établi depuis quelques années. Ou encore à l’école primaire Saint-Laurent, à Lawrenceville, avec son approche pédagogique axée sur la nature à partir de l’automne 2023.
La pandémie, un accélérateur
Angélie Bellerose-Langlois est titulaire d’une maîtrise en gestion de l’environnement et étudie ce phénomène depuis presque 10 ans. Elle est entre autres chargée de cours au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable de l’Université de Sherbrooke et collabore avec des chercheurs de l’Unité mixte de recherche Petite enfance, grandeur nature de l’Université Laval. Selon elle, la pandémie a été un accélérateur de ce mouvement qui favorise le contact avec la nature pour les enfants. « Les contraintes que nous avions ont fait en sorte que les gens qui s’intéressaient déjà à ces questions ont osé faire le pas. Ça a permis aux institutions de bouger plus vite », croit-elle.
Une pédagogie structurée et réfléchie
Ce type de pédagogie s’est énormément structuré au Québec ces dernières années. Des cours sont désormais offerts dans des cégeps et universités. De même, des outils sont proposés aux institutions, comme le cadre de référence Alex publié par l’Association québécoise des centres de la petite enfance.
De nombreux bénéfices pour la santé
Pourquoi tant d’engouement à vouloir offrir aux enfants un lien avec la nature? Parce qu’il est prouvé qu’il offre de très nombreux bénéfices. Angélie Bellerose-Langlois en dresse une liste impressionnante : renforcement du système immunitaire, soutien au développement sensoriel et moteur, réduction des sentiments dépressifs et d’anxiété, baisse du taux d’obésité, augmentation de la capacité de concentration, diminution de l’excitation mentale et nerveuse, diminution de la myopie, développement de l’imagination et de la créativité, favorisation d’une meilleure estime et confiance en soi, régulation des émotions, augmentation de l’empathie, de la connexion avec les pairs et de l’engagement, diminution des conflits, etc.
Un nouveau paradigme à implanter graduellement
« Notre société serait gagnante à ce qu’un contact avec la nature soit la base partout. Mon rêve, ce serait qu’au Québec, dans 5 à 10 ans, ce soit le nouveau paradigme. Pas que les écoles fassent 100 % du temps dehors. Mais que ce soit plus fréquent et accessible », exprime Angélie Bellerose-Langlois.
Elle explique que les changements doivent toutefois se faire graduellement, en respectant le rythme de chaque établissement. « Ce que j’entends parfois, c’est que les professeurs ont déjà une grosse charge de travail. Le but, ce n’est pas d’ajouter de nouvelles tâches. Mais plutôt de faire différemment ce qu’on fait déjà », explique-t-elle. Elle donne l’exemple d’une activité de lecture prévue en classe qui pourrait se faire à l’extérieur.
Possible, même sans accès à des espaces verts
Qu’en est-il des établissements dans les centres urbains qui n’ont pas un accès direct à un espace vert? Angélie Bellerose-Langlois explique que plusieurs aménagements peuvent se faire, comme d’installer une mangeoire à oiseaux aux fenêtres des classes ou encore de naturaliser des locaux pour permettre aux enfants de jouer avec des bouts de bois, du sable, des rondins, des roches ou des cocottes plutôt que des blocs de plastique.
Une approche de plus de 70 ans au Danemark
D’autres pays ont d’ailleurs compris depuis longtemps les impacts positifs de cette approche, non seulement pour les établissements scolaires, mais aussi pour le système de santé. C’est le cas du Danemark où, dès 1952, on a vu apparaître des Forest schools, appelés skovbørnehaver en danois. Un modèle éducatif qui place la nature au cœur de l’enseignement aux enfants. Aujourd’hui, 20 % des jardins d’enfants de ce pays sont des Forest schools. Geneviève Marcel et Kathleen Wilson de Sous l’écorce disent s’inspirer de ce modèle.
Rejoindre davantage d’enfants de la région
Les animatrices de Sous l’écorce planifient l’élargissement de leur offre de services pour permettre de rejoindre un plus grand bassin d’enfants. « Nous souhaitons collaborer avec les écoles pour leur offrir des projets clés en main de science nature. Nous voulons aussi offrir des camps de jour lors des journées pédagogiques pour les enfants du réseau scolaire. Sous l’écorce est un projet évolutif », fait savoir Geneviève Marcel.
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