Le Val-Ouest

La Boulangerie artisanale de Lawrenceville ferme ses portes

Une aventure boulangère de 33 ans vient de se terminer. Le contexte économique a forcé Yannick Maynard, propriétaire de la Boulangerie artisanale, à Lawrenceville, à cesser les activités de l’entreprise.

« Mon cœur a été brisé en 1000 pièces »

« La décision a été très difficile. Mon cœur a été brisé en 1000 pièces quand j’ai dû prendre la décision d’arrêter la boulangerie », lance Yannick Maynard.

Fin 2017, ce gestionnaire de projets dans le domaine des technologies de l’information sentait le besoin d’élargir ses horizons professionnels. Il a donc décidé de prendre une année sabbatique et de réorienter sa carrière vers l’une de ses passions : la boulangerie.

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En 2020, il choisit de racheter l’entreprise lawrencevilloise fondée en 1990 par Youenn Tosser, boulanger d’origine française de 4e génération, et sa conjointe Johanne Dufresne.

Accueil au cœur du village

Le nouveau propriétaire de la Boulangerie avait alors été accueilli à bras ouverts par la Coopérative d’initiatives et d’entrepreneuriat de Lawrenceville (CIEL). Cette dernière, souhaitant revitaliser l’ancien magasin général situé au cœur du village, a rénové une partie de l’édifice. Elle a offert à la boulangerie de s’y installer comme locataire.

En plus de faire évoluer son entreprise ces trois dernières années, Yannick Maynard a participé à quelques reprises, comme traiteur, aux événements Lawmuse-Gueule. Il s’agit de soirées bistro occasionnelles organisés à Lawrenceville depuis 2018. « L’été passé, j’ai préparé un record de 150 à 180 repas de pizzas en deux heures. Tout seul de A à Z. Alors qu’il faisait 42 degrés dans la cuisine! », souligne-t-il avec fierté.

Un fait confirmé par Pierre-Emmanuel Tessier, de la CIEL : « Les éditions avec les pizzas artisanales ont été parmi les meilleures soirées que nous avons organisées. Avec les sous que nous avons faits, nous avons terminé la rénovation du local principal, à l’avant de l’ancien magasin général. »

À quelques reprises, la Boulangerie artisanale a offert ses services comme traiteur lors des événements de Lawmuse-Gueule. L’été dernier, Yannick Maynard a ainsi servi environ 180 repas de pizzas en deux heures.  (crédit photo : Boulangerie artisanale)

Des coûts qui explosent

La première année en affaires fut très positive pour Yannick Maynard. « Nous étions en pleine pandémie et j’ai vu mes ventes augmenter de 15 %. » Rien ne laisser présumer que la situation allait rapidement changer.

Au fil des mois, Yannick Maynard a vu la situation économique se transformer radicalement. Le prix des farines a connu une  hausse de 40 % et le prix de certaines autres denrées a augmenté jusqu’à 70 %. À cela s’est ajoutée une baisse de revenus. « La guerre en Ukraine a fait exploser le coût des matières premières. Ça m’a causé un stress incroyable lorsqu’il y a eu des pénuries. Par exemple, l’été passé, je n’ai pas été en mesure de produire deux de mes pains. Ça m’a fait perdre des ventes. »

L’entrepreneur savait déjà, au printemps dernier, qu’il devrait prendre une décision difficile à l’automne. Pendant huit mois, il a tout tenté pour trouver des solutions et saisir des opportunités. Il affirme aussi avoir coupé partout où c’était possible. En vain. « À chaque action que je faisais pour retrouver la rentabilité, je faisais face à une nouvelle augmentation des prix. »

Une marge de manœuvre réduite

Il explique que la marge de manœuvre d’une PME comme la sienne est plus limitée. « Lors d’une année difficile, une entreprise de plus grande envergure peut se permettre de mettre à pied des employés. Ce n’est pas mon cas. Mon modèle d’affaires est trop petit pour absorber la situation économique actuelle », explique-t-il.

À cela s’ajoute le fait que la Boulangerie artisanale produisait des pains au levain certifiés biologique. Un marché de niche dans lequel le prix des produits est plus élevé. « Pour bien faire les choses, ça me coûte plus cher de produire un pain que dans une boulangerie qui fabrique ses produits avec de la levure et des additifs. Être artisanal, ça demande beaucoup plus d’efforts, mais c’est meilleur. »

Dans ce contexte, il lui était impossible de refiler la note aux consommateurs. « En même temps que les prix augmentaient, l’inflation a commencé à prendre sa place. Il y a une limite psychologique pour laquelle les gens sont prêts à payer un pain. »

Malgré 33 ans d’histoire et une qualité de produits exceptionnelle, la Boulangerie artisanale n’a pu être en mesure de faire face à la hausse importante des coûts. « En même temps que les prix augmentaient, l’inflation a commencé à prendre sa place. Il y a une limite psychologique pour laquelle les gens sont prêts à payer un pain », explique Yannick Maynard. (crédit photo : Boulangerie artisanale)

Une fermeture plutôt qu’une faillite

Il s’est ainsi vu forcé de fermer son entreprise maintenant plutôt que d’être acculé à une faillite, si la situation actuelle persistait pendant plusieurs mois. «Je suis un informaticien très analytique et cartésien. Je voyais bien, de semaine en semaine, que les chiffres ne rentraient pas. Tout le monde achetait moins. »

Yannick Maynard affirme que, dès le départ, il savait dans quelle aventure il s’embarquait. Lorsqu’il a fait son étude de marché en 2018-2019, avant de se lancer, tous les paramètres étaient favorables pour ce genre d’entreprise. «Nous étions dans le plein emploi, les taux d’intérêt étaient bas et les gens n’avaient jamais été aussi conscients de l’importance d’une bonne alimentation. Il y avait aussi une recrudescence vers les produits biologiques.»

Il confirme avoir eu un réel plaisir dans son nouveau travail et souhaitait sincèrement poursuivre. « Dans un contexte économique différent, je n’aurais pas lancé la serviette », confie-t-il.

« Dans un contexte économique différent, je n’aurais pas lancé la serviette », confie Yannick Maynard, propriétaire de la Boulangerie artisanale. (crédit photo : Boulangerie artisanale)

Une triste nouvelle pour Lawrenceville

Pour la CIEL, il s’agit d’une triste nouvelle. « Nous sympathisons avec le fait qu’un entrepreneur fasse le choix difficile d’arrêter. C’est attristant parce qu’il a mis tout son cœur et son âme là-dedans », exprime Pierre-Emmanuel Tessier.

Alors que la coopérative projetait louer la partie inoccupée de l’édifice qui lui appartient, elle retourne à la case départ. « Nous allons mettre les bouchées doubles pour essayer de louer à nouveau. En attendant, le fait d’avoir une bâtisse avec des frais fixes, sans locataire, va mettre davantage de pression sur nos activités de sociofinancement. »

En plus d’offrir la location, l’organisme se dit aussi désormais ouvert à vendre la bâtisse. Si une entreprise souhaite y installer un projet porteur pour la communauté. « Nous allons continuer. Nous n’arrêterons pas. C’est ça, notre mission », soutient Pierre-Emmanuel Tessier.

« Nous sympathisons avec le fait qu’un entrepreneur fasse le choix difficile d’arrêter. C’est attristant parce qu’il a mis tout son cœur et son âme là-dedans », exprime Pierre-Emmanuel Tessier de la Coopérative d’initiatives et d’entrepreneuriat de Lawrenceville (CIEL).  (Crédit photo : LinkedIn)

« J’ai fait le cycle complet d’un projet »

Bien qu’il ait encore le feu sacré, Yannick Maynard range donc son tablier de boulanger. Il n’est ni amer, ni fatigué. Il retournera à son autre passion : les technologies de l’information. « Je n’avais pas quitté l’informatique parce que j’étais écoeuré. C’était plutôt parce que j’avais un autre projet de passion que je voulais explorer. »

Avec philosophie, il observe son cheminement de son oeil de gestionnaire de projets : « J’ai eu une idée à partir de laquelle j’ai concrétisé une entreprise. Maintenant, je suis rendu à la fermer. J’ai fait le cycle complet d’un projet.»

 

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2 avis au sujet de « La Boulangerie artisanale de Lawrenceville ferme ses portes »

  1. Bonne continuité a vous. On vous comprends très bien, dans un contexte d’inflation….et petite entreprise…
    Votre pain était excellent et toujours servi avec mes visiteurs!!!
    Lucie Berthelette

  2. Bonjour, Comme c’est regrettable de perdre une telle qualité de produit! Y-aurait-il pour vous Yannick de faire autrement?
    Vous nous offriez un pain nourrissant et délicieux. Je manque déjà vos bons pains ronds au sésame.
    Merci de nous avoir fait goûter à votre iniitative imbattable!
    Mais, il y aura pour vous d’autres projets tout aussi enrichissant à d’autres niveaux!
    Merci et bonne chance

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