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Le préfet de la MRC du Val-Saint-François devrait-il être élu par la population plutôt que par les maires et mairesses? C’est la question qu’a formellement posé en janvier un citoyen du Canton de Melbourne au Conseil de la MRC. Pour y répondre, les 18 élus ont convenu d’interpeller leur conseil municipal respectif.

Au moment de publier cet article, 14 des 18 municipalités que compte la MRC ont formellement adopté des résolutions visant le statu quo. C’est-à-dire que les maires et mairesses continuent d’élire l’un de leurs pairs comme préfet. Trois autres municipalités prendront position en avril.

«Nous n’avons même pas étudié la question»

Seul le conseil municipal de Saint-François-Xavier-de-Brompton a fait connaître un point de vue différent. Demandant que cette possibilité d’élection au suffrage universel soit étudiée.

Le maire, Adam Rousseau, croit qu’une analyse davantage poussée serait justifiée.

«Les résolutions des autres municipalités disent tout de suite que les conseils municipaux ne sont pas d’accord. Alors que nous n’avons même pas étudié la question. Il y a eu des discussions informelles entre les maires et mairesses. Mais nous ne sommes pas allés chercher des informations qui nous permettraient de prendre une décision éclairée.»

Il ajoute : « Comme élus, nous siégeons sur plein de comités au sein de la MRC. C’est un sujet important. Pourquoi ne créerait-on pas un comité pour étudier cette possibilité-là?»

Le maire de Saint-François-Xavier-de-Brompton, Adam Rousseau, souhaite que les élus du Val-Saint-François s’offrent un espace pour analyser et discuter de la proposition, avant de prendre une décision finale.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Un choix fait par 18 MRC au Québec

Actuellement, le préfet de la MRC du Val-Saint-François est Pierre Tétrault, maire de Valcourt. Il a été élu à ce poste par les autres maires. Son mandat est de deux ans.

Un préfet élu par suffrage universel est plutôt choisi par la population, tous les quatre ans, lors des élections municipales. Au Québec, 18 des 87 MRC ont choisi d’adopter cette formule.

L’actuel préfet de la MRC du Val-Saint-François, Pierre Tétrault, a été élu par ses pairs en 2023.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Sur les neuf MRC que compte l’Estrie, deux ont choisi d’élire leur préfet par suffrage universel. Il s’agit des MRC du Granit et du Haut-Saint-François.

Dans la MRC des Sources, voisine du Val-Saint-François, les élus se questionnent aussi sur ce mode de scrutin. À la suite d’une résolution adoptée par le conseil municipal de Saint-Camille en août 2024.

«Être élu m’a permis d’être neutre»

L’actuel préfet du Haut-Saint-François est l’ancien maire d’East Angus, Robert G. Roy. Sans s’exprimer sur le choix des élus du Val-Saint-François, celui-ci tient à partager comment il perçoit son rôle.

«À titre de préfet, j’ai eu à trancher, dans certains dossiers. Le fait d’être élu m’a permis d’être complètement neutre dans mes décisions. Je ne dis pas qu’un préfet qui est aussi un maire ne peut pas être neutre. Il y en a qui sont capables de faire la part des choses, mais ce n’est pas tout le monde.»

Selon Robert G. Roy, le fait d’occuper ce poste à temps plein lui permet de faire avancer plus rapidement les dossiers dont il a la responsabilité. Ce qui ne serait pas le cas s’il devait cumuler des responsabilités de maire et de préfet.

Le préfet de la MRC du Haut-Saint-François, Robert G. Roy, croit que le fait d’être élu par la population lui apporte une certaine neutralité dans la prise de décision.  (crédit photo : MRC du Haut-Saint-François)

Offert aux MRC en 2001

Ministre des Affaires municipales de 1996 à 1998, Rémy Trudel, n’occupait plus ce poste lorsque son gouvernement a offert aux municipalités, en 2001, la possibilité que le préfet soit élu au suffrage universel. Mais il se souvient très bien des raisons qui avaient mené à ce choix. «Ça avait un double objectif. Premièrement, augmenter la crédibilité des préfets. Parce qu’ils allaient être choisis par la population. Deuxièmement, préparer, en quelque sorte, l’inévitable mouvement de délégation de pouvoirs des municipalités de petite taille vers la MRC.»

Aujourd’hui professeur associé à l’École nationale d’administration publique, Rémy Trudel croit que davantage de MRC éliront leur préfet de cette façon dans le futur. Compte tenu des responsabilités de plus en plus importantes confiées par le gouvernement aux municipalités et du rôle clé que continueront de jouer les MRC dans la gouvernance régionale.

«Le personnage central de la vie locale et régionale, ça va être le préfet. Selon moi, la véritable orientation, ce sera de conserver le cœur villageois à l’intérieur d’une structure régionale qui aura, à sa tête, un «super maire» élu. C’est un changement de culture très radical. Alors il faut laisser le temps faire son œuvre», croit-il.

L’ancien ministre des Affaires municipales Rémy Trudel croit que le nombre de MRC qui choisiront d’élire leur préfet par suffrage universel augmentera au cours des prochaines années.  (crédit photo : ENAP)

Une formule qui favorise la collaboration

Danielle Pilette, professeure associée à l’UQAM, s’intéresse à la gestion municipale et à la gouvernance des organisations territoriales. Selon elle, l’élection du préfet par suffrage universel favorise la collaboration plutôt que la compétition entre les municipalités.

Selon Danielle Pilette, professeure associée à l’UQAM, l’élection du préfet par suffrage universel favorise la collaboration plutôt que la compétition entre les municipalités.  (crédit photo : Émilie Tournevache, UQAM)

Robert G. Roy signale qu’à titre de préfet, ses actions visent à susciter cette collégialité entre les municipalités de son territoire. Pour ce faire, les élus du Haut-Saint-François ont aboli le système qui donnait davantage de votes, au sein du conseil de la MRC, aux municipalités les plus populeuses.

«Ce qu’on a décidé de mettre en place, c’est : un maire, un vote. Et en même temps, qu’il y ait la double majorité. Ce qui veut dire un vote adopté par au moins 50 % des maires et 50 % de la population. Chez nous, cette formule a été un plus.»

Il constate la différence entre la situation d’aujourd’hui avec celle qui prévalait il y a une décennie. «Pendant les réunions du conseil de la MRC, les élus des plus petites municipalités allaient s’asseoir dans la salle et se rapprochaient seulement lorsque c’était le temps de voter. Je trouvais ça démesuré. Je me disais qu’il y aurait sûrement un moyen de s’entendre.»

Davantage de crédibilité et de légitimité

Autant Rémy Trudel que Danielle Pilette soulignent le fait qu’un préfet élu par la population obtient davantage de crédibilité. «Si on élargit la base électorale, on se trouve à donner plus de légitimité politique à l’élu», précise Danielle Pilette.

Une idée qui est aussi avancée par le citoyen Pierre Avignon, à l’origine de ce débat.

«Les citoyens, les élus et les organismes pourraient interpeller la personne qui a été élue démocratiquement à la MRC pour qu’elle rende des comptes. Ça stimulerait les échanges. Et si les citoyens étaient mécontents, ils pourraient ne pas la réélire aux prochaines élections.»

Le citoyen du Canton de Melbourne, Pierre Avignon, à l’origine de ce positionnement des conseils municipaux du Val-Saint-François.  (photo : gracieuseté)

Trois arguments pour rejeter l’élection

Les résolutions des 14 municipalités du Val-Saint-François font valoir les trois mêmes arguments pour rejeter d’emblée ce type d’élection. Soit le fardeau financier supplémentaire, l’absence d’expertise d’un préfet qui ne serait pas un maire et enfin, le fait de ne pas pouvoir revenir en arrière, une fois ce mode de scrutin choisi.

Des arguments qui laissent perplexes le maire Adam Rousseau. «Je ne peux pas imaginer qu’une personne qui n’y connait absolument rien ait le goût de se présenter pour un poste comme celui-là.»

Même réaction du côté de Robert G. Roy :

«Ce serait étonnant que quelqu’un qui n’a aucune expérience municipale essaie de devenir préfet. Selon moi, ça ne s’est pas vu. C’est un poste exigeant. Dans le Haut-Saint-François, je n’ai pas ce genre de crainte. Si ça arrivait ici, les quatorze municipalités qui siègent à la MRC mettraient de la pression.»

Des coûts marginaux dans le budget de la MRC

Qu’en est-il du fardeau financier supplémentaire? La MRC du Haut-Saint-François a calculé que l’élection du préfet coûte environ 0,95 $ par personne par année. «Nous prévoyons ces coûts à l’avance. Pendant quatre ans, nous mettons de côté une réserve pour payer ces élections. Ce qui fait que la dépense est répartie sur quatre ans. Il s’agit d’une saine gestion», fait valoir Robert G. Roy.

En 2024, le salaire du préfet de la MRC du Haut-Saint-François s’élevait à 53 460,54 $. À cela s’ajoute une allocation de dépenses de 18 422,30 $, pour un salaire total de 72 882,84 $.

Selon la professeure Danielle Pilette, les coûts supplémentaires de l’élection et de la rémunération d’un préfet sont marginaux par rapport aux autres frais de fonctionnement d’une MRC.

«C’est une grosse décision»

Une fois qu’une MRC choisit formellement ce type d’élection, elle ne peut plus revenir en arrière. C’est ce qu’ont découvert les élus du Haut-Saint-François lorsqu’ils ont voulu changer à nouveau leur mode électoral. La raison de leur volte-face : l’obligation légale de vérifier les listes électorales.

«Nous trouvions ça ridicule. Pourquoi la MRC doit-elle revérifier les listes électorales pour l’élection du préfet alors que chaque municipalité vérifie déjà sa propre liste? Pourquoi ne nous autorise-t-on pas à utiliser ces informations, ce qui permettrait d’économiser des sous? On a donc voulu reculer et le gouvernement a dit non», confie Robert G. Roy.

Rémy Trudel révèle ce qui a motivé son gouvernement à ne pas permettre aux municipalités de changer d’idée.

«Ce que le gouvernement a souhaité, en offrant la possibilité d’élire le préfet au suffrage universel, c’est que les élus prennent le temps d’y réfléchir comme il faut et d’analyser la situation. C’est une grosse décision, qui doit être prise en toute connaissance de cause. Avec des faits réels et non des préjugés. C’est un pas décisif. Si les élus ont peur de ne pas être capable de revenir en arrière, qu’ils ne le fassent pas. Lorsque vous faites le mouvement et avancez, il n’y a jamais de recul. C’est pour cette raison qu’on a mis ça optionnel.»

«C’est peut-être un malentendu»

Malgré le fait qu’une majorité de conseils municipaux du Val-Saint-François se disent défavorables à cette façon d’élire le préfet, le maire de Saint-François-Xavier-de-Brompton reste optimiste.

«C’est peut-être seulement un malentendu. Je ne pense pas que les élus ne veulent pas en entendre parler. Certains ont perçu cette demande comme si nous allions mettre ça en place pour l’élection de 2025. Nous ne sommes pas prêts immédiatement. Mais ce pourrait être bon de l’évaluer pour le futur. C’est sûr que je vais relancer mes collègues pour en rediscuter.»

 

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