Le Val-Ouest

Les bacs bruns, un bon choix environnemental?

Il y a quelques années, quatre petites municipalités du Val-Saint-François avaient choisi de ne pas adhérer à la collecte des matières organiques : Canton de Melbourne, Kingsbury, Maricourt et Ulverton. Parmi elles, une a récemment transformé ses pratiques (Canton de Melbourne) et une autre souhaiterait implanter l’utilisation de bacs bruns (Maricourt). Le Val-Ouest s’est donc penché sur la question : « Les bacs bruns sont-ils un bon choix environnemental pour les petites municipalités en milieu rural (moins de 500 habitants)?»

Sans prétendre offrir une réponse définitive à cette question, Michel Renaud se base sur ses 50 années d’expérience dans le domaine. Cet ex-résident de Maricourt, qui vit maintenant à Bromont, est détenteur d’un diplôme en éducation à l’environnement. Il a publié deux ouvrages et écrit plus de 200 articles sur les questions du compostage et de l’aménagement paysager écologique. Michel Renaud offre aussi des conférences pour sensibiliser les citoyens et les élus à ces questions. « Dans ma vie, j’ai expérimenté toutes sortes de compostages : du végétal, des branches, de la viande et même des excréments humains. Le compost, ça a toujours été l’une de mes passions », résume-t-il.

Des options possibles au bac brun

Cet expert croit que d’autres options sont possibles que celles du bac brun. «Accepter que les gens puissent composter chez eux semble un pas gigantesque à faire pour certains politiciens et penseurs. L’industrie a fourni une réponse simple au problème complexe de la gestion de la matière organique.»

Rappelons qu’en 2020, le gouvernement du Québec s’est donné comme objectif de valoriser au moins 70 % de la matière organique d’ici 2030. Actuellement, le taux est de 55 %, selon le plus récent bilan de RECYC-QUÉBEC. Pour y arriver, le gouvernement a annoncé des investissements de 1,2 milliards de dollars.

Depuis 50 ans, Michel Renaud a développé une expertise en compostage et en aménagement paysager écologique. Celui-ci remet en question le choix de municipalités rurales d’adhérer à la collecte des matières résiduelles. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Une collecte qui exige beaucoup de pétrole

Pour le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charrette, la collecte des matières résiduelles est « un des éléments clés dans la lutte contre les changements climatiques ». De fait, le gouvernement estime que les matières résiduelles dans leur ensemble représentent le cinquième émetteur de gaz à effet de serre dans la province. Une émission d’environ 4,49 millions de tonnes en équivalent CO2 par année.

Michel Renaud questionne cette adéquation : « Dans les pays occidentaux, nous ramassons la matière avec des camions qui fonctionnent au pétrole. On amène ça à une usine qui fonctionne elle aussi à partir du pétrole et de l’électricité. On retourne ensuite la matière compostée à l’écocentre, toujours avec du pétrole. Et les gens viennent chercher le compost en auto. »

Dans son ouvrage « L’autocompostage », Michel Renaud mentionne que la manipulation dans les centres de compostage correspond à des besoins énergétiques de 80 à 120 kWh par tonne de résidus organiques traités. À cela s’ajoute les équipements mobiles, principalement des chargeurs sur roues, qui consomment du diesel à raison d’environ 400 à 1200 litres par jour.

Des camions qui parcourent de longues distances

Il soutient que la distance moyenne parcourue par les camions effectuant la collecte serait de 237 200 kilomètres par an. « Ce chiffre est probablement plus élevé en milieu rural à cause de l’éloignement des résidences », ajoute-t-il.

De fait, les matières organiques amassés dans la région du Val-Saint-François sont collectées par camion pour être acheminées à la Régie intermunicipale de gestion des déchets de la région de Coaticook. Un camion plein, au départ de Valcourt, doit faire un trajet d’environ 75 kilomètres, soit un peu plus d’une heure de route.

« Si on trouve toujours des solutions qui génèrent des gaz à effet de serre, on se dirige vers un mur », croit Michel Renaud.

Dans son ouvrage “L’autocompostage”, l’auteur Michel Renaud illustre le cheminement des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la gestion des matières organiques. (source : “L’autocompostage”, éditions Bertrand Dumont)

Explosion des coûts de traitement

Michel Renaud tient à rappeler un concept utilisé en économie et dans les milieux environnementaux : l’ « effet rebond ». Il s’agit d’un phénomène par lequel une mesure, qui semble positive au départ, produit des effets non prévus. Il donne l’exemple d’un projet pilote effectué en Europe, il y a quelques années. « En mettant à la disposition des usagers un bac pour la collecte de leurs « déchets verts », on a noté que ceux-ci avaient doublé. » Selon lui, « il est fort plausible que le volume des résidus de jardins à recycler ne cessera de s’amplifier avec les années. Ce qui risque de faire exploser les coûts reliés au traitement. »

La forêt, un digesteur naturel

Michel Renaud ajoute un autre exemple, encore plus concret. « Dans notre quartier, à Bromont, mes voisins ont tous accès à au moins trois acres de forêt. À cette époque de l’année [automne], je vois des dizaines de sacs de feuilles sur le bord de la route. C’est une aberration totale. La forêt, c’est un digesteur naturel. Les gens n’auraient qu’à balayer leurs feuilles dans la forêt. »

Collecte en milieu rural, une « aberration »

Il ne trouve pas beaucoup d’avantages à la collecte en milieu rural. « C’est une aberration de faire le ramassage des matières organiques. Nous devons apprendre à gérer ça de façon intelligente. Ça détruit nos routes, ça fait beaucoup de pollution et ça ne crée pas, au final, un compost de qualité. Il y a toutes sortes de choses qui sont mélangées là-dedans. Nous devons changer nos façons de faire. »

Compostage et aménagement paysager

Mais justement, quelles solutions propose-t-il? Au cours des 50 dernières années, il a développé deux méthodes qu’il enseigne et partage.

La première est l’autocompostage, c’est-à-dire le recyclage des matières organiques sur place, au pied même des végétaux. Une façon de faire qui s’inscrit, de façon plus large, dans la création d’aménagements paysagers basés sur les écosystèmes. « J’utilise cette méthode depuis plusieurs années avec ma clientèle. Ils comprennent très bien les économies générées. On réduit ainsi l’entretien de 75 %. On n’a plus à ajouter de paillis, arroser ou utiliser des pesticides. »

Il utilise aussi ce qu’il appelle le « compostage Renaud ». Un compostage domestique basé sur le procédé développé par l’agronome et botaniste anglais Sir Albert Howard. « Certaines personnes pensent que le compost, c’est d’accumuler des matières organiques de n’importe quelle façon. Que ça va créer de la terre de façon magique. Ce n’est pas ça. Il faut plutôt comprendre les conditions qu’ont besoin les micro-organismes pour bien composter. »

Un discours différent

Est-il conscient que son discours diffère de ce qui est présentement véhiculé? « Je ne suis pas contre le système actuel. Au contraire, j’y crois. Les solutions que je prône visent le long terme. Ça coûte moins cher, c’est moins polluant et ça use moins de route. Il n’y a que des avantages », croit-il.

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Le Val-0uest propose à son lectorat un dossier en quatre volets sur le compostage dans le Val-Saint-François :

Melbourne implante des bacs bruns sur une partie de son territoire (novembre 2023)
Le compostage domestique, le choix de Kingsbury (novembre 2023)
À Maricourt : bacs bruns ou compost domestique? (novembre 2023)
Les bacs bruns, un bon choix environnemental? (novembre 2023)

 

À LIRE AUSSI dans Le Val-Ouest :

Se passer du bac brun : le choix de quatre municipalités du Val (avril 2023)

 

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