Le Val-Ouest

À Maricourt : bacs bruns ou compost domestique?

La municipalité de Maricourt souhaite changer la façon de gérer ses matières résiduelles. L’une des options envisagées est la réduction du nombre de collectes d’ordures et l’entrée en vigueur de la collecte des bacs bruns.

La municipalité souhaite soumettre ce plan à ses citoyens lors d’une séance d’information spéciale qui aura lieu le 9 novembre prochain à la salle du conseil municipal.

La municipalité de Maricourt fera parvenir à ses citoyens, au cours des prochains jours, une invitation à une rencontre d’information concernant le compostage. (photo : gracieuseté)

Sondage en faveur du compostage domestique

En septembre, Maricourt avait fait parvenir un sondage pour connaître l’opinion de ses citoyennes et citoyens. La municipalité a reçu une cinquantaine de réponses sur une possibilité maximale de 195 résidences. Résultat : les deux tiers des répondants préfèrent continuer d’utiliser leur composteur domestique.

Augmentation du tonnage de déchets

Malgré ces résultats, une partie du conseil municipal souhaite aller de l’avant avec le projet. Le maire Jean-Luc Beauchemin explique cette position par le fait que le tonnage de matières résiduelles (déchets) a augmenté au fil des ans. Alors qu’il avait diminué pendant quelques années, après l’instauration du compostage domestique.

De fait, selon les données recueillies par la MRC, le tonnage de Maricourt était d’abord passé de 119 tonnes en 2018 à 98,67 tonnes en 2019. Une baisse attribuable à l’instauration du compostage domestique. La quantité de matières a par la suite augmenté graduellement pour se situer à 114,55 tonnes en 2022.

« Le compostage domestique a fonctionné, au début. Nous n’aurions pas cette hésitation [d’instaurer les bacs bruns] si nous n’avions pas constaté une augmentation du tonnage », confirme la directrice générale, Nancy Daigle.

Autant le maire que la directrice générale conviennent toutefois qu’il est impossible d’établir une relation de cause à effet qui s’expliquerait par le fait que les citoyens jetteraient désormais leurs matières organiques à la poubelle.

Ces chiffres, fournis par la municipalité de Maricourt, démontrent une augmentation graduelle du tonnage des déchets depuis l’implantation du compostage domestique.

Historique de la situation

À Maricourt, le choix du compostage domestique découlait d’une analyse longuement mûrie. En 2015, le conseil municipal avait mandaté un comité conjoint, composé d’élus et de citoyens, pour lui soumettre des recommandations.

Paul Purcell, conseiller municipal pendant une dizaine d’années, était alors responsable de ce comité. Il explique que le modèle choisi avait été celui de la municipalité de Saint-Adrien, au Centre-du-Québec.

Une fois la décision prise, la municipalité avait embauché une ressource pour visiter l’ensemble des résidences afin de dresser un portrait de la situation et offrir des conseils aux citoyens.

« Presque tout le monde compostait déjà »

L’ancien maire, Robert Ledoux, se souvient de cette démarche. Il explique qu’avant même la décision de la municipalité d’opter pour le compostage domestique, les résultats d’un sondage prouvaient les actions des citoyens. «En campagne, presque tout le monde compostait déjà. Et au village, sur une trentaine de maisons, il y en avait déjà la moitié qui le faisait aussi. »

Il confirme que le programme a bien fonctionné. « Selon un sondage [effectué après l’implantation], environ 76 % des gens ont confirmé qu’ils compostaient. Nous avions pris des photos et ça avait été envoyé à la MRC. Tout avait été accepté. » Il reste convaincu que le compostage domestique reste la meilleure solution pour une municipalité de la taille de Maricourt.

L’ancien maire de Maricourt, actuellement conseiller municipal, reste convaincu que le compostage domestique reste la meilleure solution pour sa municipalité. (photo : archives – Le Val-Ouest)

« Malgré ce qui a été mis en place, ça ne fonctionne pas »

Nancy Daigle confirme que la municipalité a bel et bien poursuivi le programme. « Nous avons fait des démarches avec la MRC. L’escouade verte est venue nous visiter, il y a deux ans. Elle a ciblé les personnes qui ont dit qu’elles ne compostaient pas pour trouver avec elles des solutions. »

Elle soupçonne que le projet de compostage domestique s’est essoufflé. «Malgré ce qui a été mis en place, ça ne fonctionne pas. Que devrait-on faire pour encourager les gens à composter? »

Diminution des collectes de déchets

En parallèle à l’instauration des bacs bruns, Jean-Luc Beauchemin souhaite proposer à ses citoyens 13 collectes de matières résiduelles par année plutôt que 26. Ce qui, selon lui, permettrait d’économiser des sous, tout en réduisant le nombre de camions sur les routes.

Selon ce modèle, le coût réel de la collecte par porte passerait de 289 $ par année (2023) à 370 $ (2024). Par la suite, les coûts se situeraient aux environs de 300 $ à 320 $ par année. Alors que si la municipalité conserve ses 26 collectes, les coûts estimés oscilleraient entre 350 $ et 364 $. « En embarquant le bac brun, ça ne fait pas une grosse différence au coût annuel par citoyen. Pour le payeur de taxes, c’est rentable. Le niveau d’augmentation n’est pas effarant », croit le maire.

Nancy Daigle soutient que cette formule aiderait à réduire le tonnage. «Quand tu laisses la même fréquence de collecte d’ordures, les gens peuvent continuer d’avoir le réflexe de jeter leur nourriture. À Valcourt, lorsqu’ils ont instauré le bac brun et la réduction des poubelles, les gens n’ont pas eu le choix. »

L’enjeu : éduquer les citoyens

Mis au courant de ce plan, Paul Purcell se dit d’accord de réduire la collecte des déchets. « L’idée, c’est de réduire en mettant en place les « trois R » : réduire, réutiliser et recycler. Si on fait ça, on n’a pas besoin d’avoir une collecte aux deux semaines. »

Passionné par les questions environnementales, il pense que l’enjeu demeure au niveau de l’éducation citoyenne. « Bac brun ou pas, il faut qu’on sache ce que ça veut dire de composter. Qu’on y voit la valeur ajoutée. Si on ne le fait pas, on choisit une solution facile et on s’en lave les mains. On se débarrasse alors de nos matières dans le bac brun de la même façon qu’on le fait dans le bac noir. Si on fait ça, on n’a pas éduqué la population. »

Conseiller municipal pendant une dizaine d’années, le maricourtois Paul Purcell croit qu’un des enjeux du compostage est lié à l’éducation citoyenne. (photo : Events Work)

Une réalité différente dans les petites municipalités

L’ancien conseiller municipal persiste à vouloir conserver le compostage domestique. D’autant plus que la majorité de ses concitoyens ont accès à un terrain pour composter chez eux, contrairement aux grandes villes « Toutes les municipalités n’ont pas la même réalité. Si tu habites à Montréal, je comprends que c’est difficile d’avoir un composteur. Ce n’est pas évident pour tout le monde de bien gérer ça », condède Paul Purcell.

De fait, Maricourt compte, selon Statistique Canada, 456 habitants sur un territoire de 61,1 kilomètres carrés. Soit 7,5 personnes au kilomètre carré. À titre de comparaison, la municipalité de Valcourt, avec ses 2139 habitants, compte 395,2 personnes au kilomètre carré.

« Ce sont des taxes supplémentaires à vie »

Michel Renaud est une figure marquante de l’écologie au Québec. Détenteur d’un diplôme en éducation à l’environnement, il a publié deux ouvrages et écrit plus de 200 articles sur les questions du compostage et de l’aménagement paysager écologique. Il offre des conférences pour sensibiliser les citoyens et les élus à ces questions. Lors de son entrevue avec le Val-Ouest, il confie qu’il a appris à composter à Maricourt, il y a 50 ans, alors qu’il y résidait.

Il croit lui aussi qu’à la campagne, on peut se permettre de faire d’autres choix. « Dans une petite municipalité comme Maricourt, il est plus facile de faire du compostage domestique que dans les grandes municipalités. » Il ajoute : « Ce sont des taxes supplémentaires à vie. Une fois que les citoyens ont acheté leur bac, ce serait mal vu, quelques années après, de ne plus faire de collecte.» Il croit qu’une sérieuse réflexion doit se faire avant de choisir cette option.

Détenteur d’un diplôme en éducation à l’environnement et fort d’une expertise développée depuis 50 ans, Michel Renaud croit que les petites municipalités à la campagne peuvent se permettre d’autres options que la collecte des bacs bruns. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Le gouvernement du Québec tient d’ailleurs compte de ces réalités différentes. Les petites municipalités de moins de 500 habitants ont la possibilité d’offrir des modes de dessertes autres que la collecte des bacs bruns. Ce qui n’est pas le cas des municipalités de moyenne (501 à 4999 habitants) ou de grande envergure (5000 habitants et plus).

C’est d’ailleurs pourquoi quatre municipalités du Val-Saint-François avaient eu la possibilité de choisir le compostage domestique : Canton de Melbourne, Kingsbury, Maricourt et Ulverton.

Le Canton de Melbourne a opté récemment pour une option hybride : des bacs bruns pour les résidences de son périmètre urbain et le compostage domestique ailleurs.

Quant aux municipalités d’Ulverton et de Kingsbury, elles ont confirmé au Val-Ouest vouloir poursuivre avec le compostage domestique.

Des changements concernant les redevances

Dans le cadre de sa Stratégie de valorisation de la matière organique, le gouvernement souhaite valoriser au moins 70 % de cette matière d’ici 2030. Actuellement, le taux est de 55 % selon le plus récent bilan de RECYC-QUÉBEC.

Le gouvernement a ainsi apporté des changements à son programme de redistribution des redevances aux municipalités. À partir de 2024, le soutien financier gouvernemental ne sera accordé qu’aux municipalités qui font la gestion des matières organiques. La méthode de calcul de la subvention est établie selon la performance des municipalités en matière d’élimination.

Le maire Jean-Luc Beauchemin souhaite justement que sa municipalité profite de ce programme. « Il y a un retour d’argent qui est intéressant. On obtient la subvention en fonction du fait qu’on livre à chaque citoyen un bac brun », soutient-il.

Jean-Luc Beauchemin, maire de Maricourt, prône la collecte des matières organiques. Entre autres pour réduire le tonnage de déchets et profiter des redevances offertes par le gouvernement du Québec. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Selon les chiffres de 2022 fournis par le gouvernement, les quatre municipalités qui ont opté pour le compostage domestique ont reçu, dans le cadre de ce programme : Canton de Melbourne (7672,84 $), Ulverton (6345,40 $), Maricourt (1876,51 $) et Kingsbury (aucune subvention). À titre de comparaison, la municipalité de Valcourt avait reçu un montant de 7097,04 $.

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Le Val-0uest propose à son lectorat un dossier en quatre volets sur le compostage dans le Val-Saint-François :

Melbourne implante des bacs bruns sur une partie de son territoire (novembre 2023)
Le compostage domestique, le choix de Kingsbury (novembre 2023)
À Maricourt : bacs bruns ou compost domestique? (novembre 2023)
Les bacs bruns, un bon choix environnemental? (novembre 2023)

 

À LIRE AUSSI dans Le Val-Ouest :

Se passer du bac brun : le choix de quatre municipalités du Val (avril 2023)

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