Le Val-Ouest

Mobilisation citoyenne à Maricourt en faveur du compostage domestique

Alors que la municipalité de Maricourt présentait son projet d’implantation des bacs bruns lors d’une séance d’information, le 9 novembre dernier, le vent a tourné. Sur les 456 habitants que compte la municipalité, une quarantaine se sont présentés les lieux. Majoritairement en faveur du compostage domestique. Ces personnes ont interpellé les élus à revenir sur leur orientation. Tant et si bien que le conseil municipal a décidé de repousser l’échéance d’un an.

« Les citoyens sont venus nous présenter leurs doléances et semblaient tous bien convaincus. J’avais des réticences vis-à-vis du compostage domestique parce qu’on ne peut pas tout mettre dans le tas de compost. Mais peut-être le conseil est-il allé à l’encontre de ce qui était souhaité », convient Jean-Luc Beauchemin. Il confie qu’à la fin de la soirée, son opinion avait changé et qu’il se rangeait à la proposition citoyenne.

Pas de bacs bruns, mais baisse du nombre de collectes de déchets

« Avant de choisir le bac brun, nous allons utiliser d’autres méthodes. Nous conservons notre décision de réduire le nombre de collecte de déchets à 13 par année plutôt que 26. Il y aura aussi une seule collecte de gros rebuts plutôt que deux. »

Jean-Luc Beauchemin ajoute que les domiciles qui souhaitent ajouter une seconde poubelle devront payer un supplément et obtenir de la municipalité un autocollant à apposer sur le bac noir. Il y aura toutefois des exemptions pour les familles nombreuses ou les domiciles où résident des personnes handicapées. Les modalités restent à définir par la municipalité.

« Les citoyens sont venus nous présenter leurs doléances et semblaient tous bien convaincus. Peut-être le conseil est-il allé à l’encontre de ce qui était souhaité », convient Jean-Luc Beauchemin, maire de Maricourt. (photo : gracieuseté)

Volonté citoyenne d’agir et de collaborer

Le soir même de la séance d’information, des citoyens et citoyennes ont exprimé leur volonté d’agir et de collaborer ensemble. « On nous a dit que la municipalité n’avait pas toutes les ressources pour investir dans des actions de sensibilisation, comme faire du porte à porte. Nous avons bien compris que ça devait reposer sur les citoyens », explique Marie-Line Briand, une Maricourtoise présente sur les lieux.

Deux jours après la séance d’information, la citoyenne Anita Paquette a pris l’initiative de former un comité. Neuf Maricourtoises ont répondu à l’appel. Marie-Line Briand est l’une des membres de ce comité.

Plan d’action déjà présenté à la municipalité

La semaine suivante, lors de la réunion régulière du conseil municipal du 14 novembre, le comité présentait déjà un premier plan d’action. Marie-Line Briand avait été mandatée pour en faire la présentation. Parmi les actions proposées : réalisation de vidéos d’information sur le compostage domestique, visites à domicile et présentation d’une conférence. « Il s’agit d’un plan structuré et réalisable. Avec des objectifs concrets », croit-elle.

Le conseil municipal s’est dit ouvert à ces propositions. Le comité préparera donc ses actions pendant l’hiver pour les mettre en œuvre au retour de la belle saison. « C’est mieux d’approcher les gens au printemps. S’il y a un trop grand laps de temps entre le moment où on parle aux gens et celui où on se met en action, ça risque de tomber lettre morte », explique la citoyenne engagée.

Augmentation du tonnage des déchets

L’une des raisons qui avait motivé la municipalité de Maricourt à recourir aux bacs bruns était l’augmentation graduelle du tonnage des déchets enfouis. Il était passé de 98,67 tonnes en 2019, l’année suivant la mise en place du compostage domestique, à 114,55 tonnes en 2022.

« C’est vrai que nous sommes sur une pente ascendante », reconnait Marie-Line Briand. « Mais on ne connait pas les causes et on ne sait pas ce que contient ce tonnage. Est-ce que c’est parce que, pendant la pandémie, les gens étaient davantage à la maison? Est-ce que c’est parce que les gens manquent d’information concernant les récupérations, comme celles du polystyrène et du verre? Il y a peut-être de l’information qui n’est pas assez bien diffusée et comprise. »

« C’est vrai que nous sommes sur une pente ascendante par rapport au tonnage des déchets. Il y a peut-être de l’information qui n’est pas assez bien diffusée et comprise », croit Marie-Line Briand, l’une des citoyennes de Maricourt impliquée dans le tout nouveau comité citoyen. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Caractérisation des déchets : possible, mais complexe

Interrogée sur cette question, Ann Bouchard, chargée de projet en environnement à la MRC du Val-Saint-François, indique qu’on peut difficilement faire une relation de cause à effet entre l’augmentation du tonnage et le fait que des citoyens jetteraient leurs matières organiques à la poubelle. « Ça prendrait une caractérisation des bacs à déchets. Ce qui est complexe et dispendieux, mais pas impossible. » Bien que la gestion des déchets est une compétence municipale, elle se souvient que la MRC avait financé une telle caractérisation dans quelques municipalités-types, il y a environ une dizaine d’années.

Selon elle, le fait que les gens jettent à la poubelle leurs restes de table reste toutefois une des possibilités. « Si on prend pour acquis que les citoyens récupèrent comme il faut, ce qui varie le plus, d’une municipalité à l’autre, ce sont souvent les matières organiques. Dire que c’est directement lié, c’est plus compliqué. Mais c’est une hypothèse qui est quand même très plausible.»

Stoke : du compostage domestique aux bacs bruns

Ann Bouchard rappelle que Stoke faisait partie des municipalités qui n’avaient pas adhéré au bac brun. En 2019, cette municipalité changeait son fusil d’épaule. Son objectif de départ : proposer des bacs bruns dans le périmètre urbain et permettre aux résidents en campagne de poursuivre le compostage domestique. Tout en abaissant le nombre de collecte d’ordures. Mais le projet avait été mal compris, surtout en milieu rural. Tant et si bien que les bacs bruns ont ensuite été proposés sur l’ensemble du territoire.

Clés du succès : information et sensibilisation

Le comité croit fermement qu’en plus du noyau de Maricourtois qui compostent déjà, d’autres se joindront au mouvement lorsqu’ils seront mieux informés. « C’est le premier geste qui est le plus exigeant. C’est-à-dire de mettre les résidus dans le bac de la cuisine. Si une personne ne le faisait pas avant, pourquoi le ferait-elle davantage avec un bac brun? Il n’y a pas de garantie », croit Marie-Line Briand.

Même son de cloche de la part de Paul Purcell, un ancien conseiller municipal impliqué dans le compostage domestique. « Une fois que tu as pris l’habitude de mettre tes matières dans ton bac à compost, il n’y a pas plus d’efforts que de les mettre dans un bac brun. Tu marches peut-être quelques pas de plus. C’est un rythme de vie à adopter. » Il ajoute, avec un brin d’humour : « Il y a beaucoup d’ignorance. Ça fait 15 ans que je composte. Certaines personnes ont peur des odeurs. Mon équipement de hockey sent pas mal plus que ça! La matière organique qui composte bien, ça ne sent pas. »

« Certaines personnes ont peur des odeurs. Mon équipement de hockey sent pas mal plus que ça! La matière organique qui composte bien, ça ne sent pas », lance avec un brin d’humour Paul Purcell, ancien conseiller municipal de Maricourt. (photo : Events Work)

Compostage et bacs bruns, des résultats différents

« C’est sûr que dans un monde idéal, le compostage domestique est une bonne solution. Bien qu’en milieu urbain, c’est un peu plus problématique. Cette méthode fait en sorte qu’on n’a pas à gérer le transport, à payer le traitement, etc. Si c’est bien enseigné aux citoyens, ça peut être une bonne alternative. Mais ça demande de l’énergie au niveau de la municipalité », convient Ann Bouchard.

Elle rappelle que malgré les efforts de la MRC, les résultats n’ont pas été au rendez-vous par le passé. « Nous avons fait des campagnes et des séances d’information. Nous avons aussi distribué des compostières domestiques. Il y avait une bonne participation. Mais nous n’avons jamais obtenu les mêmes résultats qu’avec les bacs bruns. Surtout en milieu urbain. »

« Le compostage domestique fait en sorte qu’on n’a pas à gérer le transport, à payer le traitement, etc. Si c’est bien enseigné aux citoyens, ça peut être une bonne alternative. Mais ça demande de l’énergie au niveau de la municipalité », convient Ann Bouchard, chargée de projet en environnement à la MRC du Val-Saint-François. (photo : MRC du Val-Saint-François)

Fournir des preuves pour obtenir des redevances

Au Québec, les municipalités de 500 habitants et moins peuvent choisir leur mode de gestion des matières organiques. Le gouvernement, par sa Stratégie de valorisation de la matière organique, se donne toutefois un objectif d’atteindre 70 % de récupération de cette matière d’ici 2030.

Pour inciter l’adhésion, le Programme sur la redistribution aux municipalités des redevances pour l’élimination de matières résiduelles change ses règles. Dès 2024, la gestion des matières organiques est obligatoire pour avoir accès à l’aide financière du programme.

Selon Ann Bouchard, une municipalité qui fait le choix du compostage domestique et qui désire tout de même obtenir des redevances doit fournir des preuves au ministère de l’Environnement. Elle donne l’exemple de la municipalité d’Ulverton qui, bien qu’elle ait choisi le compostage domestique, se qualifie toujours pour les redevances. « Ils devaient prouver que 70 % des unités d’habitation avaient une compostière domestique sur leur terrain. »

À Maricourt, prêt à relever le défi

Au courant de ce défi, le comité se donne un objectif ambitieux. « Nous souhaitons atteindre, voire même dépasser la cible de 70 % des gens qui compostent chez eux. Pour qu’on n’ait pas besoin de passer vers les bacs bruns », lance Marie-Line Briand.

Même son de cloche de la part du maire. « Le conseil municipal réévaluera les résultats obtenus dans un an. D’après moi, ça devrait bien aller. Avec les actions posées par la municipalité et celles du comité, composé de gens consciencieux, on devrait avoir une amélioration », croit Jean-Luc Beauchemin.

 

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