Les élus du Val-Saint-François évaluent actuellement les orientations futures des services de transport collectif et adapté dans la région. Tous ne s’entendent pas sur le mode de financement. Une taxe sur l’immatriculation? Une augmentation des comptes de taxes? Différents scénarios sont sur la table.
Bien que Trans-Appel ait réussi cette année, après deux ans de réorganisation, à retrouver une vigueur financière, il devra faire face à un défi de taille dès la fin de 2026. À ce moment prendra fin le contrat qui lie Trans-Appel avec l’entreprise responsable des transports par autobus. Ce qui fera exploser les coûts en 2027.
Des coûts plus importants pour les mêmes services
Selon ce qu’a appris le Val-Ouest, on parle d’un manque à gagner d’environ 600 000 $. Ce qui correspond à presque le double du budget de Trans-Appel.
Ces investissements seront obligatoires, parce qu’ils correspondent aux obligations légales du transporteur vis-à-vis du transport adapté, destiné aux personnes handicapées.
Le préfet de la MRC et maire de Valcourt, Pierre Tétrault, croit que cette situation pourrait être transformée en opportunité.
«Nous aurons un gros montant à payer pour avoir exactement le même service en transport adapté. De mon point de vue, s’il faut qu’on investisse, autant en profiter. Pour quelques centaines de milliers de dollars de plus, nous pourrions avoir un service plus élaboré. Qui inciterait les gens à utiliser le transport collectif.»

Prendre le temps de bien réfléchir
En mars dernier, le directeur général de Trans-Appel, Denis Verreault, a rencontré 15 des 18 municipalités que compte le Val-Saint-François. Pour leur présenter des possibilités de développements futurs pour son organisme de transport ainsi que des solutions de financement.
Amélie Tremblay, mairesse de Kingsbury, n’a pas participé à ces rencontres mais a lu attentivement les documents de travail. Elle souhaite que les élus du Val prennent le temps de bien réfléchir aux différentes options, compte tenu des sommes importantes qui sont en jeu.
«Je suis une femme de chiffres. J’ai besoin de creuser et d’aller au fond des choses. Ce qu’on me présente est trop vague. Je ne considère pas avoir en main assez d’éléments pour être capable de prendre une bonne décision.»
Elle ajoute que la vision, telle que présentée par Trans-Appel, lui semble toutefois positive. «Si ce qui nous a été présenté sur papier fonctionne bel et bien un jour, ce sera excellent pour tout le monde dans la MRC.»

Une taxe sur l’immatriculation, une solution?
Pierre Tétrault explique que les élus ont seulement deux options pour aller chercher les sommes manquantes.
«Soit nous exigeons des automobilistes une taxes sur l’immatriculation. Soit nous augmentons les taxes foncières. Nous ne pouvons pas aller prendre l’argent ailleurs.»
De fait, au Québec, les propriétaires de véhicules immatriculées sur le territoire de certaines municipalités doivent verser, depuis 1992, une contribution pour le transport en commun. C’est la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) qui la perçoit et la remet au ministère des Transports. Ce dernier la redistribue ensuite aux organismes de transport publics concernés.
Depuis décembre 2023, le projet de loi 39 offre un autre levier financier aux municipalités. Celles-ci peuvent imposer une taxe sur l’immatriculation des véhicules de promenade (TIV).
Contribution actuelle dans le Val : 0 $
Actuellement, les résidents du Val-Saint-François ne paient aucun de ces montants. Contrairement à Sherbrooke, où les automobilistes paient 34 $ par année. Ou encore dans la région de Montréal, où le montant total est le plus élevé au Québec, soit 180 $ par année.
Des discussions sont en cours entre les élus à savoir si cette option serait valable au non pour le Val. Et, si oui, quel montant pourrait être demandé. Les chiffres préliminaires qui circulent mentionnent entre 30 $ et 40 $.
200 000 $ pour faire une demande
Pour exiger une TIV sur leur territoire, les municipalités ou MRC doivent faire une demande à la SAAQ. Au coût d’environ 200 000 $. Par souci d’économie, les neuf MRC de l’Estrie envisagent de collaborer ensemble pour faire une demande commune. Ce qui permettrait de répartir les coûts. Reste à savoir quelles MRC souhaiteront ou non s’allier aux autres. Du côté du Val-Saint-François, rien n’est moins sûr, pour l’instant.
Certaines municipalités, dont Saint-Denis-de-Brompton et Richmond, ont d’ailleurs déjà fait savoir qu’elles n’étaient pas favorables à l’instauration d’une TIV.
La mairesse d’Ulverton, Lynda Tétreault mentionne que son conseil municipal n’a pas encore pris position.
«Certaines municipalités sont réticentes de demander la TIV. Mais ça voudrait dire d’augmenter les taxes foncières. Personnellement, je ne suis pas d’accord avec ça. Le montant demandé ne correspondra même pas au coût d’un plein d’essence. La taxe foncière devrait servir à payer d’autres services.»
Elle ajoute : «Si nous disons non et décidons un jour de revenir en arrière, nous aurons à payer ce 200 000 $. Je pense que ça vaut la peine, dès maintenant, de faire partie de ce projet.»

«Il y a de gros débats là-dessus»
Le maire de Sainte-Anne-de-la-Rochelle, Louis Coutu, siège sur le comité de transport de la MRC. Il constate les avis partagés de ses collègues. «Il y a un gros débat là-dessus. Certains veulent demander la TIV et d’autres aimeraient mieux que ce soit sur les taxes foncières. Je me demande comment on va faire pour s’entendre.»

Jacques David, maire de Bonsecours, considère quant à lui que les conseils municipaux n’ont pas une grande marge de manœuvre pour prendre une décision, compte tenu qu’il y a seulement deux options de financement.
Le maire de Stoke, Luc Cayer, confie de son côté que son conseil municipal émet de sérieuse réserves.
«Le plan financier a été présenté aux conseillers municipaux de Stoke. Ils n’étaient pas d’accord sur l’augmentation prévue en 2027. Je leur ai expliqué que c’est obligatoire. Ç’a été une fin de non-recevoir. C’est trop cher pour eux. Mais où va-t-on prendre l’argent? En organisant des bingos? Je leur ai signifié que je serai leur porte-parole, mais qu’il faudra quand même payer.»

Abolir un service «peu rentable»
Jacques David émet l’idée de carrément abolir le transport collectif dans le Val. Ce à quoi le préfet, Pierre Tétrault, réplique :
«En offrant du transport collectif, nous recevons une aide gouvernementale. Si nous coupons ce service, nous aurons quand même besoin d’autobus pour le transport adapté. Des autobus qui peuvent aussi être utilisés pour le transport collectif. Sans ce soutien financier, nous serions obligés d’aller chercher encore plus d’argent.»
Le maire de Bonsecours évoque, de son point de vue, le peu de rentabilité de ce genre de service. «Depuis quelques années, ça va toujours en augmentant. Autant le transport adapté que collectif. Ce n’est jamais rentable. Ils chargent tant par personne, reçoivent des subventions, mais il manque tout le temps d’argent.»

Une vision des choses que ne partage pas la mairesse d’Ulverton. Elle rétorque qu’un service de transport reste d’abord et avant tout un service public. Au même titre que les services scolaires ou les services de santé.
«La collectivité est responsable du transport, qu’il soit collectif ou adapté. C’est très important de le conserver et de l’organiser.»
Moins de deux ans pour trouver une solution
Les élus questionnés par le Val-Ouest sont tous et toutes conscients de l’important défi pour lequel ils et elles doivent trouver une solution.
«C’est sûr que ça va coûter très cher. Mais il nous reste quand même deux ans pour trouver toutes sortes de façons de pouvoir mieux financer le transport», glisse Lynda Tétreault.
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