Pour une seconde année, le fromage Zacharie Cloutier, de la Fromagerie Nouvelle-France, remporte le Caseus Or , c’est-à-dire le prix du meilleur fromage au Québec. Il s’agit du 17e prix Caseus pour ce fromage de lait de brebis fabriqué à Racine.

« Je ne m’y attendais pas »

Bien que ce fromage-phare ait remporté de nombreux prix, la propriétaire de l’entreprise, Marie-Chantal Houde, confie qu’elle avait des doutes quant à ses chances de gagner cette année. « Je ne m’y attendais pas. Pendant l’été, je pensais qu’on ne gagnerait aucun prix. Je me disais que j’irais quand même à la cérémonie, pour rencontrer les gens. »

Les « Oscar » des fromages

Marie-Chantal Houde se dit très heureuse de cette récompense « Ce sont les Oscar des fromages. Tous les fromagers sont des collègues, d’une certaine façon, mais nous sommes compétitifs. Ça montre que nous fabriquons de bons fromages, années après année. Nous sommes encore les premiers en avant. »

Pour elle, cet honneur rejaillit sur ses collaboratrices et collaborateurs, non seulement au sein de l’entreprise, mais aussi dans les bergeries desquelles elle achète son lait.

«Nous avons consolidé le secteur de la brebis laitière»

Bien qu’il y ait d’autres fromageries qui achètent du lait de brebis, elle reconnaît que la Fromagerie Nouvelle-France joue un rôle de leader. « Au fil des ans, nous avons véritablement créé un créneau qui a consolidé le secteur de la brebis laitière au Québec. Je suis très fière de ce que nous avons accompli. Nous voyons maintenant les fruits de nos efforts. »

Marie-Chantal Houde explique que lorsqu’elle a débuté en 2010, la ferme dont elle est copropriétaire avec son frère Jean-Paul était l’une des seules à utiliser le lait de brebis. Aujourd’hui, sept bergeries, dont six en Estrie, vendent leur lait à la Fromagerie Nouvelle-France.

Un « fromage équitable »

Parmi les facteurs de réussite de ce secteur agroalimentaire naissant, on compte la constance et l’engagement. « Je m’engage à acheter tout le lait des entreprises avec lesquelles je fais affaires. Je ne dirai pas : la semaine prochaine, je ne prends pas ton lait et j’en rachèterai seulement dans six mois.»

L’autre clé est de rémunérer décemment les productrices et producteurs. La fromagerie fait le choix de payer son lait presque quatre fois le prix de ce qui est payé aux producteurs de lait. « Ça me coûte très cher. Ma marge est beaucoup plus petite que les fromageries qui utilisent du lait de vache. Je ne fais pas quatre fois plus de profits. J’en suis tout à fait consciente. » Elle tient toutefois à verser le juste prix pour son lait : « Il n’y a pas de certification équitable, au Québec. Mais s’il y en avait une, je pourrais ajouter sur mes produits un logo « fromage équitable ». »

Partage d’expertise et synergie

Le partage d’expertise est aussi essentiel. « J’essaie de créer une synergie au sein de notre groupe de producteurs. Nous transmettons nos bons coups. Je souhaite qu’ils ne répètent pas les erreurs que nous avons commises. » Elle reconnait que les trois premières années de l’entreprise furent difficiles, justement à cause de ce manque d’expertise. « Au départ, nous n’avions pas de mentor et nous avons perdu énormément d’argent. Nous sommes désormais devenus les mentors. Et certains sont rendus aussi bons sinon meilleurs que nous. Tout ce qu’on est en train de créer est vraiment dynamique. »

Secrets du meilleur fromage au Québec

Le secret d’un excellent fromage? Il y en a plusieurs, mais la nourriture et le soin aux animaux y sont pour quelque chose. La Fromagerie Nouvelle-France fournit d’ailleurs un cahier de charge très précis à ses bergeries collaboratrices. « Nous demandons entre autres aux producteurs de nourrir les brebis avec du foin sec, de laver les mamelles et de prendre les premiers jets. Ça prend deux fois plus de temps de faire la traite de cette façon. C’est plus compliqué que de juste poser la trayeuse et de tirer le lait. »

Pour Marie-Chantal Houle, ces règles sont fondamentales : « Nous n’aurions jamais gagné le meilleur fromage au Québec si tout ça n’était pas appliqué. Garanti. » Elle en a d’ailleurs fait mention lors de son allocution à la cérémonie de remise de prix. « J’ai souligné que sur les 14 derniers prix Caseus, il y a 13 fromages qui sont fabriqués à partir de lait de foin sec. Ça parle beaucoup, quand même. »

« La création de richesse, il faut y inclure de l’équité »

Pourquoi choisit-elle de faire les choses d’une manière bien différente du reste de l’industrie? « Parce que ça fait du sens. Nous créons de la diversité dans le monde laitier. Ça développe des entreprises qui ne pourraient pas s’acheter de vaches laitières parce que le quota est trop cher. Nous sommes en train de mettre en place un modèle unique au Québec. » Elle ajoute : « Si tu veux juste faire de l’argent, ce n’est pas un bel héritage. Je trouve que c’est penser petit et égoïstement. Je souhaite plutôt que nous travaillions ensemble à créer quelque chose de plus grand. La création de richesse, c’est global. Et il faut y inclure de l’équité. »

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